Livres : Brive de Comptoir !
24h dans la vie d’Estelle : La Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde
La Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, réunit chaque année la crème de la crème des auteurs et éditeurs français, durant 3 jours. Pendant 24h chrono, je suis partie sur le terrain, à la découverte des 400 écrivains et 163 éditeurs français réunis à Brive. Dans cette nouvelle rubrique intitulée « 24h dans la vie d’Estelle », je vous partage mes coups de cœur, comme mes coups de gueule, sans concession, telle une Alberte Londres des temps modernes !
Par Estelle GUEÏ
L’aventure du Brive-Express
Vous connaissez mon goût pour la littérature, raison pour laquelle cet évènement culturel incontournable faisait partie de ma « to do list » depuis plus d’un an. D’autant plus que le voyage se faisait à bord d’un train très spécial, affrété gare de Lyon uniquement pour les auteurs, éditeurs et autres personnalités. Il fallait absolument que j’infiltre le fameux Train du Livre !
Après avoir fait des pieds et des mains auprès d’amis éditeurs, le précieux sésame me fut délivré. Je pouvais enfin préparer mes bagages pour voyager aux côtés des plus grands éditeurs et écrivains. Quelle aventure livresque ! Le Train du Livre, se vit comme un rendez-vous avec l’Histoire.
Sur le quai 23 de la gare de Lyon, dans la fraîcheur matinale parisienne, j’observe le TGV qui semble s’être échappé d’un roman d’Harry Potter. Je me sens comme Hermione rejoignant les élèves tapageurs se rendant à leur 1er jour de classe à l’école de Poudlard. Dans la file d’attente, les éditeurs des maisons d’éditions les plus prestigieuses de l’hexagone se saluent, accompagnés de leurs poulains. On y croise un responsable de la maison d’édition centenaire d’Albin Michel, l’auteure belge de l’Hygiène de l’assassin, Amélie NOTHOMB ou encore le philosophe en lice pour l’Interallié, Gaspard KOENIG (Humus, aux éditions de L’Observatoire).
Dans l’un des wagons, je croise la Ministre de la Culture, Rima Abdul MALAK, discutant avec Gaspard de son article publié dans « Le Un Hebdo»
La particularité de ce train, outre les personnalités installées dans les wagons, réside aussi dans cet esprit collégial, grands enfants, où auteurs, éditeurs, journalistes et politiques font connaissance, de façon chaleureuse, autour de plateaux repas gastronomiques. Aussi surnommé Le Train du Cholestérol, le TGV du livre offre pendant près de 5h de route, des mets raffinés, préparés par les élèves de l’École de management hôtelier de Savignac, où les produits locaux corréziens sont mis à l’honneur.
Au menu, médaillon de foie gras de canard mi-cuit, tartine de magret fumé, pavé Corrézien au basilic, roulé de cèpes et carpaccio de veau du Limousin, burger Mique… Le tout arrosé de vins des Coteaux de la Vézère, de Branceilles ou de jus de pomme pétillant des Monédières ! Côté desserts, tiramisu aux noix caramélisées à la liqueur de châtaignes et spéculos, tarte Tatin, accompagnés de café, de chocolat Bovetti, de pâte à tartiner Andros et confitures Valade. Pour digérer ce repas pantagruelesque, une distribution de vieille poire est offerte aux convives.
Inutile de préciser que sur le quai d’arrivée à 14h, nous sommes joyeusement ragaillardis pour nous rendre à la Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde qui ouvre officiellement ses portes à 14h30
Arrivée en terre Corrézienne
Après 5 heures de trajet, je dépose mes bagages à l’hôtel Ibis réservé pour certains membres invités de la Foire du Livre de Brive. La chambre spacieuse est équipée d’un large balcon plongeant sur la Corrèze. Le courant de la rivière provoque d’imperceptibles tourbillons sur la nappe d’eau verdâtre. Contrairement à Paris, le ciel est bleu à Brive-la-Gaillarde et le soleil nous sourit. Un temps idéal pour prendre la température de la première journée de la Foire du Livre !
Informée de mon arrivée, une fidèle lectrice, ancienne parisienne, du magazine KissCity Paris, habitant maintenant à Brive-la-Gaillarde, me propose de me faire visiter la ville. Elle m’accueille avec un éclatant sourire et les bras chargés de chocolats confectionnés par le chocolatier n°1 de la région, avec qui elle collabore.
Le week-end promet d’être nourrissant intellectuellement et gustativement !
La Corrèze, territoire de prédilection des anciens présidents, François HOLLANDE et Jacques CHIRAC, est un enchantement. Les maisons bourgeoises et immeubles en pierre de taille couleur écru, aux jolis balcons sculptés à même la pierre, agrémentent le centre-ville. Les jolies vitrines des boutiques invitent au shopping, les habitants chaleureux accueillent avec générosité le flux de touristes parisiens et de province avec bonheur. De 47 349 habitants, les Brivois passeront à 100 000 visiteurs pendant 3 jours !
Une commerçante au sens de l’humour particulièrement contagieux, me fera la démonstration de son « fluide énergétique », pour réparer le terminal de paiement capricieux, en touchant l’épaule de son mari : « Vous voyez ? Je lui touche l’épaule et le TPE se remet à fonctionner ! Bam ! Vous êtes prélevée de 100 000 euros sur votre carte ! » Elle rit de bon cœur à sa blague qui me laisse circonspect. Décidément, dès qu’on sort de Paris, le snobisme de mise s’évapore pour laisser place aux bonnes blagues potaches des commerçants. J’en avais perdu l’habitude à force de vivre dans notre chère capitale. Alors que je récupère ma pochette de souvenirs, Catherine amusée me confie : « Ici, pas de chichis! »
On déambule dans la ville, lorsque nous croisons Amélie NOTHOMB, surgie au coin d’une rue à l’architecture moyenâgeuse ; elle a le nez au vent, sans son chapeau, les cheveux sagement nattés
Direction la Halle Georges Brassens, où une queue de près d’un 1 km s’étend de l’entrée du vaste bâtiment, ressemblant à un gymnase géant, aux rues commerçantes des alentours… Mon bagout et ma carte de presse me font passer devant tout le monde avec désinvolture ! La Foire du Livre de Brive s’articule autour de 3 sites bien distincts. La halle Georges Brassens, où les auteurs les plus en vus sont pris d’assaut par la foule, l’espace des 3 Provinces dédié aux rencontres avec les écrivains et le théâtre municipal, sur l’Esplanade Bernard Murat, où des lectures et concerts sont présentés. Pour se déplacer, des navettes éclectiques sillonnent la ville. Loin d’être limitée à ces 3 espaces, la littérature se vit aussi dans les rues de Brive-la-Gaillarde. Comme à l’Ouvroir, où des élèves récitent des poèmes, la médiathèque propose des conférences, Il est même possible de regarder des films au Cinéma Rex en présence de personnalités. Le public rencontre ainsi le romancier et éditeur, Éric REINHARDT qui s’exprime autour du film avec Virginie EFFIRA « L’amour et les forêts ». On comprend mieux le mécanisme d’emprise psychologique propre aux pervers narcissiques.
Quand le travail est décortiqué, mis en scène et critiqué
Cette année, la Foire du Livre est présidée par la journaliste et grand reporter au journal Le Monde, Florence AUBENAS. Elle est la référence incontournable du journalisme de terrain. Rescapée d’une prise d’otage en Irak en 2005, ses récits journalistiques les plus populaires ont traité de l’affaire Outreau et de son infiltration comme femme de ménage pendant 6 mois, pour dénoncer les conditions de travail précaire des chômeuses, courant après les heures pour boucler leur fin de mois. Son dernier ouvrage Quai de Ouistreham a ainsi été porté sur scène en préambule de la Foire, au théâtre Jean d’Ormesson. Sous sa houlette, La Foire du Livre de Brive revêt un aspect journalistique allant de pair avec le milieu littéraire et les lanceurs d’alertes.
Les 3 jours sont ponctués de remises de prix littéraires, de spectacles, de tables rondes et de conférences sur les thèmes de la mutation du travail.
De grandes questions philosophiques et économiques vont ainsi émerger : « Faut-il séparer le revenu du travail ? » La réponse du romancier et philosophe, finaliste du prix Goncourt et du prix Renaudot, Gaspard KOENIG est assez révélatrice d’un monde en bouleversement. En effet, l’auteur de Humus et fondateur du groupe de réflexion Génération Libre, semble prôner le revenu universel afin que chaque individu s’accomplisse dans des activités n’étant pas forcément en lien avec leur travail. «L’accomplissement de soi » est ainsi valorisé et source d’équilibre individuel, contrairement aux bullshit jobs (métiers vides de sens) et sources de burn-out.
Le thème du travail est étudié sous un autre aspect, par un ancien photographe de presse, Franck COURTES, qui a abandonné les privilèges matériels de sa profession, pour s’adonner à sa passion pour l’écriture. Sauf que dans certains cas, cela ne nourrit pas son homme. Donc dans son livre « A pied d’œuvre »il explique ses galères de « nouveau pauvre » payé à la tâche, pour des boulots de manœuvres effectués auprès des particuliers. Changer de vie n’est pas donné à tous…Humiliations, perte de son amour-propre, train de vie réduit, multiplicité des petits boulots physiques précaires, Franck COURTES, semble pourtant préférer la charge physique du travail manuel, à la charge mentale de la rumination artistique (intellectuelle ?)… Un point de vue qui se discute.
Mais la Foire du Livre de Brive sert à cela : sortir des sentiers battus, de l’ornière de la pensée unique et utiliser notre temps de cerveau disponible pour explorer d’autres raisonnements et passions !
Dans ce cheminement de pensées, et toujours dans la thématique du « travail », l’économiste, écrivain, conseiller spécial des Présidents de la République (MITTERRAND et SARKOZY) Jacques ATTALI, nous alerte sur les risques de l’industrialisation, la définition de la pénibilité au travail et sur les effets délétères de l’économie de la mort. Car si pendant longtemps « réussir dans son travail, c’était réussir sa vie » aujourd’hui, les jeunes ressentent un sentiment d’aliénation dans le travail, dont certains métiers sont vides de sens. Obésité, refus d’enfanter, de travailler, sans compter la probable disparition prochaine de 300 millions d’emplois remplacés par l’IA, mettent l’humanité à rude épreuve pour les prochaines décennies ! Notre société de divertissement créée-t-elle des zombies ? Comment va évoluer le statut de salarié ? Quel est l’avenir des métiers liés au droit, à l’édition et à la presse ? Pourquoi l’effondrement de notre langue, culture et système de valeurs, est-il un danger pour notre société ?
Autant de questions auxquelles le brillant auteur du roman « Bienheureux soit notre monde » tente d’apporter au-delà des réponses, des solutions attaliennes !
Des Hommes et des Livres (et des Femmes aussi) 😉
Dans les allées des stands, certains visages me paraissent familiers. Je reconnais la crinière blonde et le visage lumineux de Natacha CALESTRÉMÉ, journaliste, réalisatrice et auteure de best-sellers publiés chez Albin MICHEL. Elle me reconnaît et m’accueille avec le sourire, au même moment où Paul El KARRAT, l’Aspie le plus célèbre de France, déboule pour lui faire un hug. La scène est cocasse, « so real life » !
Mon enfant intérieur s’émerveille de voir au mètre carré autant de stars !
J’évolue comme dans un rêve, tout en gardant une certaine contenance avec les auteurs que j’admire afin de me concentrer sur le reportage et sur ces précieux souvenirs. Les émotions sont diffuses et l’expérience immersive dans l’univers du livre et de sa promotion, saisissante. Aurais-je suffisamment assez des 2 jours pour tout visiter, regarder, étudier et échanger avec les auteurs ? Tergiversant sur les réponses, mes pas me portent alors vers un stand, où un monsieur élégant en chemise bleue layette et au regard pétillant, me sourit de toutes ses dents. Son visage me dit quelque chose. Je m’approche intriguée. Sur la table où il dédicace ses ouvrages sur la santé, une dizaine de livres Vieillir heureux, c’est possible !
Le nom de l’auteur m’intrigue : Dr François SARKOZY. Serait-ce un homonyme de l’ancien Président de la République, Nicolas SARKOZY ? Je me rapproche pour lui poser poliment la question, entre 2 dédicaces :
– Bonjour Monsieur SARKOZY, vous êtes de la famille de l’ancien Président ?
Son regard espiègle et son visage s’animent :
– Vous savez Mademoiselle, un Président a aussi une mère, un père, des frères, des sœurs, une femme, des enfants. Hé bien oui! Je suis son frère et je suis médecin !
– Ah c’est cocasse ! Je peux vous appeler Docteur Sarko ?
– Oui, bien sûr ! En tout cas je ne sais pas quel âge vous avez, mais vous avez d’excellents gênes. Ça se voit !
S’ensuit alors une conversation fort sympathique autour du capital jeunesse, de l’importance de la qualité de vie, de prendre soin de son corps et de son esprit pour rester en bonne santé le plus longtemps possible. Séduite par son discours, sa gentillesse et par la cohérence de son raisonnement, j’achète son livre et lui demande une dédicace. La magie de la Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde n’a pas fini de se distiller !
Arpentant une allée un peu plus encombrée que les autres, surgissent soudain François HOLLANDE et Julie GAYET près du stand où l’animateur télé, Bruce TOUSSAINT, dédicace son roman familial « Heureusement elle n’a pas souffert ». Après le frère du Président Nicolas SARKOZY, François Hollande paraît aussi accessible et joyeux ! De loin, j’observe la scène et m’amuse. L’espace de 24h je vois sortir de mes écrans des personnages ultra-créatifs, à l’imagination fertile et auteurs de best-sellers.
Comment ne pas avoir de paillettes plein les yeux et des souvenirs plein la tête ?
Stéphane ALLIX, le journaliste et reporter de guerre, auteur du best-seller La mort n’existe pas est interviewé en plateau devant le public ; Un nouvel auteur du Rocher, François-Lois GAUTIER, râle après ses amis qui ne savent plus utiliser un dictionnaire ; Le Directeur Adjoint du Figaro, Bertrand de SAINT VINCENT est attendu pour dédicacer son nouveau recueil de nouvelles, en lice pour le Prix Interallié, « Une certaine décadence » ; Marc LEVY signe à tour de bras son roman symphonique….
Sans crier gare, un ami auteur de bandes-dessinées jeunesse, me reconnait et m’interpelle, plongée dans ma bulle de pensées.
– Estelle Esther ? Mais que fais-tu là ? Tu es vraiment partout ! Comment vas-tu ?
– Comme un poisson dans une bibliothèque, je me sens pousser des ailes !
– J’adore ta blague de poète-geek ! Quel sens de la formule ! Ça te dit de te joindre à nous ce soir au club le Cardinal pour la soirée des auteurs et éditeurs ? On a réservé un carré ViiiiiaÏPiiiiii !! Champagne, Vodka et bons sons électro !
– Grave ! Je kiffe l’idée. On se textote. Je file me préparer !
– Tu sais ce qu’on dit de la soirée du Cardinal ? Ce qu’on fait à Brive, reste à Brive ! me dit-il en déposant un chaste baiser sur mon front avant de s’en aller vers ses lecteurs.
Pour la petite histoire, la légende dit que ce serait « dans la pénombre du Cardinal que se fondent, se font et se défont les destins de l’édition française au mois de novembre de chaque année ». Ambiance !
😈 Mon opinion très perso de l’événement : La Foire du Livre de Brive
Ce rendez-vous annuel autour de l’univers du livre, est un excellent baromètre pour prendre le pouls du public. La lecture des livres physiques a encore de beaux jours devant elle fort heureusement !
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