Abel Quentin : Cabane
Critique : le 3ème roman d’Abel Quentin, Cabane, remportera-t-il un Prix Littéraire ?
Attention. Ce thriller écologique est une bombe. Cabane est bien parti pour remporter un prix ! L’histoire de ces 4 étudiants-chercheurs de Berkeley, lanceurs d’alerte malgré eux, après avoir rédigé un rapport apocalyptique en 1972, ne laissera personne indifférent. Face à l’urgence climatique, Abel Quentin livre un roman époustouflant où l’humanité danse au pied d’un volcan. 50 Ans plus tard, que sont devenus ces prophètes de l’effondrement ?
Par Estelle GUEÏ
Qui est Abel Quentin ?
Quel génie, ou as de la plume, se cache derrière la couverture de Cabane, représentant une illustration de l’artiste Edward Hopper « People in the Sun », réalisée en 1960 ?
A l’image de ses personnages qu’il s’amuse à créer, Abel Quentin, de son vrai nom, Albéric de GAYARDON, est une sorte de lanceur d’alerte. Lorsqu’il ne porte pas sa robe pour plaidoyer à la barre, Abel Quentin, troque son costume d’avocat pénaliste, pour enfiler celui d’écrivain.
Armé de sa plume, il dénonce alors, avec une cinglante ironie, les injustices, les incohérences et les symptômes de notre époque.
Cette quête de vérité, mène alors cet avocat trentenaire, originaire de Lyon, à enquêter sur des sujets sensibles et subversifs. Comme la tentative d’assassinat de Jacques CHIRAC par un militant d’extrême droite, Maxime BRUNERIE.
Alors qu’il égare ce premier manuscrit politique, Abel Quentin se remet à écrire immédiatement. C’est un autre sujet tout aussi sulfureux qu’il explore : le mécanisme de la radicalisation. Son premier roman, Sœur, édité aux Éditions de l’Observatoire, en 2019, est un véritable thriller politique haletant sur la fascination qu’exerce l’islam radical.
Deux ans plus tard, l’avocat-écrivain s’attaque aux outrances du wokisme dans Le Voyant d’Étampes. Ce roman social est une critique sur l’antiracisme et la cancel culture, qui obtint le prix de Flore et le prix littéraire du Barreau de Marseille en 2021. Il fut même salué par l’académicien Michel ZINK et par les confrères du Figaro et de Télérama.
Vous l’aurez compris, Abel Quentin est un auteur qui « mouille la robe » (pour ne pas dire la plume 😉) pour écrire au vitriol, des livres politiquement incorrects. Et cela, les internautes de KissCity Paris adorent !
Son 3ème et nouveau roman, Cabane, salué par la presse, nous interroge sur l’inaction climatique face aux alertes des chercheurs. Cabane, tout juste sorti est déjà en lice pour décrocher un prix à la rentrée.
Tout est possible, pour cet auteur dont le pseudonyme s’inspire du surnom Albé, diminutif d’Albéric, et du nom du personnage d’Albert Quentin, dans le roman d’Antoine Blondin, Un singe en hiver (1959).
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Cabane, un thriller écologique
Lu en avant-première cet été, Cabane, vous prend aux tripes ! Vous interpelle et transforme votre vision du monde. Arrivé(e) à bout de souffle à la dernière page, vous observerez le monde avec un autre regard. Un regard sûrement plus empathique à l’égard de la planète et pour les personnes qui y vivent. Car ce livre à la fois difficile et passionnant, a le pouvoir de transcender son lecteur, entraîné dans une quête rappelant Da Vinci Code ou Humus de Gaspard KOENIG (Prix Interallié et Prix Jean-Giono en 2023).
Inspirée en partie d’une histoire vraie le roman Cabane, se déroule aux États-Unis, en 1972, à l’Université de Berkeley, où 4 étudiants-chercheurs vont se transformer malgré eux en lanceurs d’alerte appelant à la décroissance. Le couple Mildred et Eugene Dundee, le Français Paul Quérillot et le Norvégien Johannes Gudsonn. Rien ne les lie, sauf cette étude commandée par un groupe d’industriels, banquiers et hauts fonctionnaires, pour « analyser les causes et les conséquences à long terme de la croissance sur la démographie et l’économie mondiales ».
Ainsi, les 4 jeunes universitaires vont être confrontés à une prise de conscience brutale sur les risques d’effondrement de notre civilisation. Selon leurs calculs, le compte à rebours serait déjà enclenché. En effet, en 2020, la capacité de charge de la planète sera dépassée, et 2050 annoncera l’effondrement brutal de la population mondiale !
50 Ans plus tard, que sont devenus ces 4 prophètes de l’apocalypse ? Dans leurs vies privées et professionnelles ont-ils respecté leurs propres préconisations ? C’est à partir de ces questionnements qu’Abel Quentin nous emmène dans une enquête mondiale, mi-scientifique, mi-journalistique, sur plusieurs décennies. Le rythme narratif endiablé nous fait voyager des États-Unis, à Paris, en passant par l’Italie, l’Angleterre, la Norvège et dans les provinces de l’hexagone.
On suit alors les 4 héros sur un demi-siècle, avec en personnage de fond omniprésent, la Nature. Ou plutôt notre Planète Bleue, Verte et Marron, appelée aussi la Terre.
Pendant que retentit au loin le glas de la fin du monde, quels destins choisiront Mildred et Eugene Dundee, Paul Quérillot, et Johannes Gudsonn pour désamorcer la bombe qu’ils ont activée quelques décennies auparavant ?
Contre toute attente, chacun d’entre eux possède sa propre vision du monde et son propre arbitre pour agir et prendre conscience du danger que risque l’humanité.
Ainsi, les époux Dundee deviennent des mascottes de l’écologie, à l’instar d’une Greta THUNBERG, donnant des conférences et interviews devant les médias du monde entier. Portés aux nues, ils tomberont aussi vite dans l’anonymat, tandis que Quérillot vendra ses talents scientifiques aux pétroliers les plus offrants. Il reste alors le plus brillant des quatre, l’énigmatique Gudsonn. Personnage attachant, mais torturé, succombera-t-il à la folie des anarcho-écologistes capables de tuer pour leurs idéologies ou se ralliera-t-il à la sagesse des membres du GIEC ?
C’est sur les traces du lanceur d’alerte norvégien, Gudsonn, qu’un journaliste Millennial, Rudy Merlin essaye de le retrouver 50 ans plus tard, dans une cabane au fin fond du Montana…S’ensuit une traque haletante tout d’abord sur les réseaux sociaux, où Merlin découvre que le profil Instagram de Gudsonn « est plus visité que le Louvre ».
Ce n’est pas un reportage, mais une traque pleine d’adrénaline, une chasse à l’homme, d’un journaliste lambda qui se mue en grand reporter, à la recherche d’un Gudsonn fantomatique autour du monde, au risque de devenir fou ou métamorphosé.
Comment éveiller les consciences ?
Comme expliqué précédemment, Cabane, s’inspire en partie d’une histoire vraie. En effet, un rapport alarmant intitulé Les Limites de la Croissance (1972), rédigé par quatre scientifiques du MIT (Institut de technologie du Massachusetts), a bien vu le jour. Le rapport Meadows ou « Les Limites à la croissance » fit l’effet d’une bombe avant de tomber dans les oubliettes de l’Histoire. C’est à partir de ce document qui a réellement existé, que l’écrivain Abel Quentin imagine le point de départ de son nouveau roman, en le renommant « le rapport 21 ».
Présenté comme une «satire féroce d’une humanité qui danse au bord de l’abîme» la lecture du roman Cabane donne des frissons sur l’avenir de l’humanité, prête à abîmer sa maison-planète pour quelques poignées de dollars. Avec sa plume si particulière, l’écrivain brosse une galerie de personnages hauts en couleurs, aux caractères contrastés, pris dans leurs incohérences idéologiques et affaires de cœur. Abel Quentin s’en donne à cœur joie dans les scènes psychologiquement limites.
Il semble exceller dans l’art du portrait d’individus prêts à tout, avec un style aussi incisif qu’un bistouri opérant à cœur ouvert.
Entre le docu, l’essai, le roman et le script d’une télé-réalité, Cabane possède un côté voyeur : tout le monde se met à nu. A poil. Comment ces 4 lanceurs d’alerte vont-ils sortir leur épingle du jeu sans trahir leurs juvéniles idéaux ?
Cabane se lit et se vit comme lors d’une conversation animée entre ami(e)s où on digresse et partage des références culturelles, musicales, cinématographiques, économiques, sportives, psychologiques ou politiques. Par exemple, l’une des scènes décrites, très visuelle, rappelle le tableau d’Edvard Munch « Le Cri ». D’autres passages se lisent aussi en musique, avec des références aux Daft Punk ou au street-artiste Banksy.
Ce livre fourmille d’idées, d’anecdotes et aborde des thèmes variés sans tabou. Comme l’autiste Asperger (TSA) incarné par le héros Gudsonn, où on découvre dans le détail son enfance très stéréotypée. Bien entendu, tous les enfants souffrant du spectre autistique ne rencontrent pas tous la même difficulté à s’insérer dans la société ou à comprendre les autres.
Avec justesse, Abel Quentin aborde aussi le statut ambigu des enseignants-chercheurs, confrontés aux logiques économiques et politiques des généreux donateurs de leur université, qui in fine n’appliquent même pas les recommandations du rapport ! Ou encore la concurrence effroyable entre les étudiants aux égos démesurés prêts à tout pour sortir de l’anonymat et décrocher le Graal de la reconnaissance de leurs pairs.
Que ce soit les thèmes de la solitude, de la paranoïa, de la folie, de la quête de vérité, la santé mentale des génies au QI de 170 complètement pétés dans la vie privée, la mode des hippies, la révolution sexuelle, le Nombre d’Or, ou encore l’écoféminisme, Abel Quentin brosse une sorte de « comédie humaine » avec brio !
Dans cette quête de l’Absolu, de la Vérité et de la Pureté, le journaliste Merlin nous interroge même sur la notion de vérité, du « mensonges par omission », pour ne pas chausser les lunettes de la lucidité.
A travers le regard de ce jeune journaliste, qui essaye de comprendre le parcours de ces 4 lanceurs d’alerte, on comprend l’importance d’étudier, lire et d’assister à des conférences en tant qu’auditeur libre.
Car sommes-nous des explorateurs, des bulldozers ou des bâtisseurs de notre humanité ?
Vers un effondrement de la civilisation ?
Alors que le super-ordinateur, quasi quantique, surnommé « Gros Bébé » (un IBM 360 faisant partie à l’époque des ordinateurs les plus puissants du monde) prédit la fin de l’humanité, nos 4 lanceurs d’alerte sont-ils prêts à adopter un mode de vie plus sobre ? Et comment réduire la frénésie consommatrice et consommation ostentatoire du monde ? La technologie aliène-t-elle l’homme ou lui donne-t-elle plus de liberté ?
Autant de questions qui font sens à notre époque bouleversée, où les enjeux climatiques sont une réalité au quotidien comme nous le rappelle le GIEC.
Dans ce marasme écologique, Cabane, sonne comme « le réquisitoire le plus cinglant de tous les temps contre la civilisation obèse de la croissance sans limites, la civilisation de la dope énergétique, du confort et de la vitesse ».
Entre violence et non-violence, le choix est parfois cornélien car : « on ne défend pas la vie en supprimant des vies ».
Abel Quentin nous alerte sur l’effondrement des ressources naturelles, la biodiversité en danger, l’humanité qui va de plus en plus vile et sur le business mortifère et aliénant du «Marché de l’attention». Ce marché de l’attention ou guerre cognitive, y est décrite à coup de neurosciences et de données sociologiques chiffrées et contextualisées, nous faisant prendre conscience de l’importance de notre capital cérébral, pour ne pas devenir un être décérébré, consommateur passif et aliéné, laissant notre libre arbitre exclusivement à l’IA. Abruti(e)s par les Deep fakes, la consommation excessive de jeux vidéo et la lecture faussement divertissante des « putaclic »…
Conclusion et avis de la rédaction de KissCity Paris :
La lecture de Cabane est troublante. Épique. La plume d’Abel Quentin sonde l’humain, les sociétés passées, présentes et futures, avec une intensité rare. Et avec une cohérence implacable. Cabane est une traque, où la Nature est aussi un personnage à part entière. Abel Quentin réussit à transporter le lecteur dans cette quête de vérités et de solutions face à une catastrophe écologique annoncée.
Mais en existent-ils vraiment pour enrayer la consommation excessive de l’humain ? Comment trouver son équilibre dans un tel marasme écologique ?
Les notions de liberté, le courage d’être soi et l’importance de se libérer des entraves consuméristes, y sont disséquées de façon frontale, alors que nous évoluons dans un monde d’«emprises invisibles ».
Dans une dynamique des systèmes mortifères pour l’individu et la société. Le bonheur humain y est oublié au service du progrès, de la technologie, qui étaient censés le libérer. Au contraire, il est encore plus asservi, vidé de sa substance…creusant des écarts, provoquant des inégalités, clivant les élites et les autres.
Ce livre est réellement d’une puissance rare, addictif, dense, flippant par certains aspects. Cabane nous transporte, nous métamorphose et nous réconcilie même avec les mathématiques !
L’écologie est un prétexte à faire passer des messages à une humanité en péril. Au bord d’un gouffre. Ce livre a-t-il été rédigé comme une prière pour sauver l’Homme ? Quentin en est-il le messager ?
Lire Cabane, c’est essayer de décrypter les mystères de la vie, pour tenter de sauver son âme.
CABANE D'Abel Quentin Aux Éditions de l'Observatoire 312 Pages 22 Euros