
Pourquoi lire nous fait du bien ?
3 Jours au festival « Le Livre à Metz »
Festival de littérature et de journalisme engagé, Le Livre à Metz, reçoit pendant 3 jours des auteurs de renom, autour d’un thème qui change chaque année, pour mieux explorer notre monde et notre époque. Des conférences, ateliers, lectures musicales, débats, cafés philo, dédicaces et performances pluridisciplinaires sont proposées au public. Je vous partage mon expérience immersive !
Par Estelle GUEÏ
Un festival de référence dans le milieu de l’édition et de la presse
Aujourd’hui KissCity Mag vous fait découvrir un festival messin consacré aux livres et au journalisme, « Le Livre à Metz ». Créé en 1987, le festival s’est imposé comme une référence dans le milieu de l’édition. Cette 38ème édition nous a offert pendant 3 jours des rencontres littéraires exclusives et stimulantes.
L’ensemble de la programmation, orientée autour de la thématique « Tenir Tête » a réunit de grands noms du milieu de la presse et de l’édition.

Consacré à la littérature et au journalisme, » Le livre à Metz » propose une lecture du monde et de notre époque, grâce à des rencontres, ateliers, expos, concerts et débats, avec des journalistes et auteurs réputés
A l’instar de l’Invitée d’Honneur, Leïla SLIMANI, journaliste à Jeune Afrique et lauréate du Prix Goncourt, pour son second roman, Chanson Douce. Figure représentative de l’émancipation féminine et de l’engagement, Leïla SLIMANI nous a partagé sa bibliothèque idéale, ses combats contre les injustices sociales et la nécessité de s’engager contre toutes formes d’inégalité. Aux côtés de l’auteur Laurent GAUDÉ (Terrasses, Actes Sud) et de la Présidente du Centre National du Livre, Régine HATCHONDO, la jeune femme s’est confiée sur les livres qui ont marqué sa vie de lectrice et qui l’ont incitée à prendre la plume.

L’écrivain-aventurier et reporter de guerre, Olivier Weber, présente son nouvel ouvrage inspiré par ses voyages lointains et son amour pour Gérard de Nerval
Pendant 3 jours la ville de Metz a ainsi accueilli, sous un ciel azuré et un climat clément, un événement réellement pluridisciplinaire, d’envergure nationale. En effet, le festival Le Livre à Metz est fortement en phase avec les défis éthiques, technologiques, environnementaux et sociologiques auxquels nous sommes confrontés au quotidien, de 7 à plus de 77 ans.
Réparti en 9 lieux distincts à travers la ville de Metz (Place de la République, l’Hôtel de Ville, l’Arsenal Jean-Marie Rausch, le Cloître des Récollets, 3 médiathèques, le cinéma Klub et le musée de la Cour d’Or) le festival Le Livre à Metz attire plus de 30 000 visiteurs répartis sur 3 jours.

Leïla Slimani et Laurent Gaudé ont captivé leur auditoire dés la soirée d’ouverture où les 2 auteurs ont dénoncé les injustices sociales et toutes les formes de discriminations
Selon les habitants ravis, la ville opère un « virage culturel » depuis que le TGV en 1h30 assure la liaison Paris-Metz. Parfait pour prendre une goulée d’oxygène hors de la capitale, et continuer de se cultiver en province !
A l’image du journaliste-reporter, le livre se fait voyageur et se transforme aux grés des rendez-vous !
Les différents usages du livre
Le livre se fait musique et poésie, sous l’impulsion créative de l’écrivaine et youtubeuse Milène TOURNIER. En résidence pendant 2 mois pour écrire, l’écrivaine a parcouru les rues de Metz et longé les chemins de la Moselle en quête de matériau pour illustrer ses travaux nommés Récit’ Chazelles. De ses pérégrinations au hasard des chemins, Milène en sort une série de photos, de courtes vidéos qu’elle poste sur Youtube, agrémentés de poèmes de son cru. Sur la scène de l’Arsenal, la jeune femme est accompagnée par le groupe Lo-Bau qui met en musique sa prose.

Les élèves ont récités les textes de la poétesse et youtubeuse, Milène Tournier, accompagnés du groupe Lo-Bau
Séquence émouvante lorsque les primaires et collégiens la rejoignent sur scène pour partager leurs récits écrits avec l’aide de la Youtubeuse.
Le livre se décline aussi sous formes de films, avec la projection au cinéma Klub d’Une Vie Cachée. L’histoire d’un petit village autrichien entré en résistance contre les nazis en 1938. Comme nous l’explique le réalisateur et journaliste Thomas BOUJUT, cette projection de film est aussi un moyen de montrer comment collectivement ont pu « tenir tête » face à un régime lorsque nos convictions sont inébranlables.
Le livre explore aussi l’univers des intelligences artificielles, à travers une conférence nous expliquant comment l’IA transforme le monde de l’édition, de la création à la traduction, en passant par l’analyse des ventes. Notre Journaliste-Reporter, Estelle GUEÏ a rédigé un article complet et sourcé sur le sujet si cela vous intéresse. Grâce au Président de la SOFIA, Arnaud ROBERT, à la Fondatrice de la start-up, AskMona et à l’illustrateur, Frédéric MAUPOMÉ, on comprend beaucoup mieux les nombreuses mutations en cours et la façon dont elles impactent le monde de l’édition.

L’intelligence artificielle au service du livre : promesses et enjeux. Le Président de la SOFA, Arnaud Robert et l’auteur-illustrateur, Frédéric Maupomé, nous livrent leurs préconisations
Le livre se fait aussi conscience et nous alerte sur les questions environnementales, dans un contexte où le rôle du journaliste peut avoir un impact majeur sur l’opinion publique. Le public découvre alors les travaux des chercheurs spécialistes des questions journalistiques, médiatiques et littéraires à la fois. Enquêtes sensibles, menaces, corruptions, mise en danger de la famille, les « Journalistes, lanceurs d’alerte » sont aussi mis à l’honneur. La présence des journalistes et auteurs lanceurs d’alertes, Charles DANNAUDN (Reporterre), Simon FICHET (Tornade, Marchialy) et Anne-Sophie NOVEL (Rue 89) nous confient les réalités de leurs métiers, se mettant parfois en danger pour l’amour de la vérité et de la liberté.

L’écrivaine et youtubeuse, Milène Tournier, est en résidence pendant 2 mois à Metz, pour collecter des matériaux inspirés de ses pérégrinations, pour écrire de nouveaux récits
Le versant politico-judiciaire est aussi au cœur des rencontres journalistiques, avec l’enquête des reporters Gérard DAVET et Fabrice LHOMME : « Le journalisme un contre-pouvoir nécessaire ».
Dans une salle comble, les deux auteurs Olivier MANNONI et Frédéric JOLY nous livrent leurs inquiétudes face aux « réseaux anti-sociaux », aux fakes news, à l’évolution des médias, et à la perversion de la langue. En effet, l’auteur de Traduire Hitler partage son inquiétude des dérives langagières de notre époque, lorsque la quête du « like » et de la « punchline » semble animer les individus.
Personnellement, j’ai particulièrement apprécié cette conférence de haut vol sur le thème des réseaux sociaux, l’appauvrissement du langage, la laideur du monde à cause des mots qui deviennent beaucoup trop utilitaires
Pour illustrer son propos, Olivier nous livre un exemple concret des mots vidés de leur émotion et même de leur sens, comme lorsqu’après avoir acheté quelques clous et vis chez Casto, il reçoit un questionnaire par mail, lui demandant de «partager son retour d’expérience ».
- Comment résister à la perversion de la langue ?
- Olivier Mannoni et Frédéric Joly nous partagent leurs observations et leurs craintes face aux dérives langagières
On comprend que le terme « expérience » est réduit à sa stricte utilité, sans aucune dimension émotionnelle, contrairement à une expérience amoureuse ou médicale, qui aurait pu être vécue par un individu désireux de la partager. Or, ici nous sommes clairement en présence d’éléments de langage créés par les marketeurs au service du capitalisme.
On se demande alors : « Comment résister, et redonner au mots leurs sens et noblesse, loin du langage marketing, utilisé à outrance ? »
Les deux auteurs nous remémorent l’époque des Lumières, où chaque mot était utilisé avec goût, avec le souci d’être au plus près de la vérité, de manier l’humour et l’ironie, et surtout s’évertuer à rendre le monde beau. Si nous revenions aux Lumières, nous nous approcherions d’un idéal frôlant la perfection !
Replacer l’humain au cœur de notre quotidien
Le livre offre aussi de belles rencontres avec des romanciers conscients de l’urgence climatique. Comme ces 2 écrivains habités par l’effondrement de la civilisation et de l’écologie : Abel QUENTIN (Cabane, L’Observatoire) et Emmanuel RUBEN, (Malville, Stock), que j’ai rencontrés au magnifique Cloître des Récollets. Entre rapports environnementaux alarmants, corruptions, accidents nucléaires, ces deux romanciers visionnaires ont donné de la voix lors d’une conférence animée sur le thème : « Le monde s’effondre mais nous restons humains ». De quoi garder l’espoir.

L’écologie et la société de demain étaient au coeur des débats, avec les écrivains Abel Quentin (Cabane, L’Observatoire) et Emmanuel Ruben (Malville, Stock)
Toujours dans le registre de l’humain, Le livre à Metz, offre aussi la formidable opportunité d’échanger avec les auteurs entre 2 dédicaces. En l’occurrence, j’ai sympathisé avec la Poétesse et Directrice de Collection (Les Gens Connectés),Camille BLOOMFIELD.
Avec émotion, la jeune femme me confie avoir rassemblé dans un livre objet, tous les tatouages qui parsèment son corps, agrémentés de photos en noir et blanc et de poèmes. Un livre d’art à dimension thérapeutique qui lui a permis d’effectuer un travail de résilience vis-à-vis de son corps.

La poétesse Camille Bloomfield (Les Venterniers) dédicace un recueil de poésie inspiré des rencontres amoureuses numériques, à notre journaliste-reporter, Estelle Guei
Un émouvant témoignage qui m’a donné envie de découvrir l’un de ses petits recueils illustré, confectionné à la main, en édition limitée, intitulé : « Les gens qui sextent » d’Irène GAYRAUD et Jimmy BEAULIEU.
La vie amoureuse numérique est ainsi décortiquée dans une série de recueils inspirés par les nouveaux comportements amoureux digitaux et le nouveau langage qui en découle (scroller, ghoster, sexter, liker…)
Enfin, le livre se transforme aussi en objet musical grâce aux lectures de poèmes et textes par les auteur(e)s et mis en musique par des musiciens, avec modernité et harmonie. On plonge ainsi dans la lecture musicale de l’auteur-compositeur-interprète, Pascal PARISOT qui partage son nouvel album « Pompon, pompon : Une balade au musée d’Orsay » au Studio du Gouverneur.
Les musiques du monde ne sont pas en reste, avec le récital exceptionnel de poésie afghane. Dans un pays où des poétesses et des poètes Afghans dénonçant le fondamentalisme des talibans sont enfermés, ce récital nous rappelle le pouvoir de la littérature face à la barbarie. Les droits du recueil seront reversés secrètement à une association pour assurer l’éducation de 3 000 jeunes Afghanes. Une initiative solidaire portée par l’écrivain-aventurier et reporter de guerre, Olivier WEBER.

Aujourd’hui les auteurs se mettent en scène pour faire vivre les pages de leurs romans, auprès du public à l’instar de Céline Righi.
La chanteuse, parolière, animatrice d’ateliers d’écriture et auteure, Céline RIGHI, a transporté le studio du Gouverneur avec une lecture musicale saisissante de son nouveau roman Les choses de la nuit (Éditions du Sonneur). Céline RIGHI, avait remporté en 2021 le Prix du Jury du concours « Lire pour en sortir », parrainé par Leïla SLIMANI.
Difficile de rester indifférent(e) aux références à Gainsbourg, à Rimbaud, à Virginia WOOLF, ou encore au film de Claude SAUTET, « Les choses de la vie ». Accompagnée du guitariste Yann RED et de la trompettiste, Patrice LERECH,Céline RIGHI, nous entraîne dans la fin de vie d’Henri, quinquagénaire désabusé, cabossé, paumé dans ses amours qui ne sait pas comment tenir tête à un destin qui l’enlise dans les drames perpétuels. L’auteure interprète en musique quelques passages clefs de son roman qui résonne comme une « revue de vie » gâchée, entre regrets et remords. On sort de ce conte musical onirique quasiment au bord des larmes…
On entend presque le claquement de la porte, qui se ferme sur la vie du héros, tandis que la salle plonge dans l’obscurité et le silence. On est alors heureux de retrouver la pureté du ciel bleu azur de Metz jusqu’à la prochaine édition !

Cette 38ème édition de « Le Livre à Metz » n’oublie pas l’écrivain et poète, Boualem Sansal, toujours emprisonné à l’heure où nous publions ce reportage. Pensées.