Parlez-vous français ?
La Cité Internationale de la Langue Française
Après 4 ans d’un chantier colossal de plusieurs centaines de millions d’euros, le château de François Ier rayonne à nouveau au cœur de la forêt de Retz, à Villers-Cotterêts. La Cité Internationale de la Langue Française est enfin ouverte ! Reportage à la rencontre de ses habitants et du Maire de la ville, Franck Briffaut. Retrouvez aussi sur notre chaîne YouTube les vidéos exclusives de notre enquête terrain !
Par Estelle GUEÏ
Un lieu culturel et de vie dédié à 100% à la langue française et à la culture francophone
Située à 51 mn en TER de la Gare du Nord (Paris), Villers-Cotterêts est une ville située dans le département de l’Aisne, où 11 000 âmes vivent au pied du château, fièrement dressé en plein cœur du centre-ville, face à la mairie et à l’église. Les habitants sont chaleureux, loquaces et souriants, à l’image de ces paysages emplis de nature et de grands personnages historiques qui ont vécus dans la région. Tous évoquent avec fierté l’appartenance à leur terroir de dramaturges et écrivains iconiques, comme Alexandre DUMAS, Jean de LA FONTAINE, Jean RACINE, Charles-Albert DEMOUSTIER, Guillaume APOLLINAIRE ou encore Gérard de NERVAL.
Terre d’écrivains, Villers-Cotterêts est aussi le berceau de la langue française depuis la Renaissance. En effet, c’est en 1539 que le roi de France, François Ier, signa dans l’enceinte du château, l’ordonnance de Villers-Cotterêts, officialisant ainsi l’usage du français, au lieu du latin.
Près d’un siècle plus tard, en 1664, sous le règne de Louis XIV, la troupe de Molière y joua Tartuffe. Hélas, au fil des siècles, l’impressionnant château aux fines tourelles blanches, entouré de son poumon de verdure, fut livré à des projets plus ou moins louables, avant d’être abandonné, squatté, puis vendu en 2014 pour 1 euro symbolique. L’ancien relais de chasse de François Ier eut plusieurs vies avant de renaître de ses cendres tel un phénix ! Caserne militaire à la révolution française (1789), dépôt de mendicité sous l’Empire, maison de retraite de 1859 à 2000, avant d’être squatté pendant plus d’une décennie !
Pourquoi un tel regain d’intérêt pour un lieu oublié de l’Histoire « au milieu de nulle part » ? Cette question revient souvent dans la bouche des habitants, notamment chez des joueurs de pétanque, habitués à se retrouver entre copains sur le parking du château. Ils évoquent leurs craintes liées au coût du projet : « qui va payer la facture ? » Des boutades et paris hypothétiques fusent même au sujet du mode de déplacement du Chef de l’État : « Macron va-t-il venir en train ou en hélico ? On verra s’il est écolo ! »
Alors comment relever le défi pour transformer le château de Villers-Cotterêts, en haut lieu culturel, au rayonnement international ?
Tout d’abord, pour comprendre ce grand projet culturel si cher au Président Emmanuel MACRON, il faut se plonger dans sa genèse. Pour cela j’ai rencontré le Maire de Villers-Cotterêts, Franck BRIFFAUT afin de lui poser quelques questions. L’édile s’est prêté à l’exercice de l’interview, sans langue de bois, avec passion et simplicité. A l’image de cette ville de province, riche d’histoire, de sourires et de défis à relever !
Second chantier le plus cher de l’hexagone après la reconstruction de Notre-Dame de Paris, la rénovation du château a dépassé les 209 millions d’euros. Le Maire nous confirme : « La facture a augmenté depuis et court toujours, notamment avec la date d’inauguration qui a été reportée plusieurs fois. » Si l’aspect économique semble hérisser le poil de certains habitants, comment ne pas faire autrement lorsque le château a été abandonné pendant plus de 2 siècles ? « Forcément quand on récupère le monument après 200 ans de mauvais traitements, la note est salée ! C’est comme dans la vie : plus on traîne pour régler les problèmes, plus ils prennent de l’ampleur et coûtent cher ! » ajoute-t-il sans sourciller.
Un trait de bon sens amené fort à propos dans un contexte où le pays subit de plein fouet l’inflation, les conséquences de la guerre en Ukraine, la guerre en Israël contre le Hamas et le terrorisme qui déstabilisent l’occident.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la rénovation du château de Villers-Cotterêts, c’est 250 ouvriers, 600 artisans de divers corps de métier, 3 600m2 de toitures, 3300 m2 de planchers, 280 fenêtres, 600m2 de verrière.
Les millions injectés dans ce « pôle d’innovation » donneront ainsi naissance à 12 résidences d’artistes, 1 auditorium, des salles d’expo et 600m2 de verrière. Des start-up travaillant sur la langue française seront notamment accueillies.
La programmation promet d’être riche, éclectique, intergénérationnelle et dans l’air du temps, car nous avons repéré des concerts et expos d’œuvres d’art graffiti, notamment un skate-board customisé par la défunte pionnière du street-art parisien : Miss.Tic !
L’écriture inclusive et le franglais, une salade de mots qui divise
Le Maire aux couleurs RN, loue la richesse et l’apport des personnes originaires de tous pays à partir du moment où elles respectent les valeurs du drapeau français. Et notamment cela passe par l’apprentissage de la langue française et de son bon usage. Pour cela, Franck BRIFFAUT salue l’audace du projet de la Cité Internationale de la Langue Française.
Franck BRIFFAUT se montre cependant intraitable sur l’évolution de la langue française : « Le franglais et l’écriture inclusives, je ne suis pas partisan, pour des raisons très simples. Déjà le français est une langue très riche et subtile comparée à l’anglais, qui est aussi une très belle langue, mais plus technique. La langue française, qui a irradié dans le monde entier à une certaine époque, est très particulière, car c’est la langue des penseurs, des philosophes, des poètes, des dramaturges, des écrivains. Le français est la langue du questionnement. Des débats contradictoires. Son apprentissage est complexe. C’est cette même complexité qui permet justement de stimuler le courant de pensées des individus. Or, à trop aseptiser, à trop simplifier, les esprits aussi se rétrécissent ! »
Alors demain, évoluerons-nous dans une société normée, où sous couvert d’inclusivité et de progrès l’idéologie woke opérerait ? Une société unisexe, au verbe mou et à la pensée consensuelle ? Nos phrases se limiteront-elles à un Tweet ? Nos réflexions tiendront-elles dans un SMS ? A l’évocation de cette perspective, le Maire Franck BRIFFAUT, frémit. Tout comme pour les Académiciens qu’il juge « pétris de paradoxes » même s’ils sont vent debout contre le franglais et l’écriture inclusive. Avec véhémence il rappelle les grandes figures mythiques du département et de la ville. Pour autant, le Maire n’est pas passéiste, décliniste, réac, raciste ou antisémite, puisqu’il estime : « aujourd’hui les nouveaux héros sont ces anonymes, ces hommes et ces femmes, qui tous les jours font de leur mieux pour apporter du sens à leur vie et qui ont à cœur d’aider leur patrie, tout comme leurs citoyens et peu importe la couleur de peau tant qu’on vibre sous le même drapeau ! »
Entre paradoxe incohérences
Du côté de l’Académie Française l’opinion sur la question est divisée. Rappelons que le rôle de l’Académie Française, créée en 1634 par le Cardinal Richelieu sous le règne de Louis XIII, est d’être garante de la langue française. En ses rangs, des femmes et des hommes amoureux de la langue française, plumes incontestées aux esprits brillants. Mais sont-ils vraiment en phase avec les évolutions de la société et de la population française ?
Toutes les générations retiennent le nom du philosophe et homme de lettres aux « phares bleus », Jean d’ORMESSON, dont les traits d’esprit et d’humour sont encore relayés par les jeunes internautes sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et TikTok.
Il est indéniable qu’au fil des siècles la langue française a évolué. « Langue vivante et bien organique » comme l’a décrite Franck BRIFFAUT. Cependant, les neurosciences nous mettent en garde sur le mode d’apprentissage d’une langue.
En effet, la Finlande, le Mexique et 45 états des USA ont retiré du programme scolaire l’obligation d’apprendre l’écriture cursive (lettres liées) et utilisent les méthodes du clavier numérique pour apprendre à lire et à écrire aux élèves. En France, pour le moment, nous privilégions l’écriture manuscrite pour l’apprentissage scolaire des enfants. Si le résultat des 2 méthodes, manuscrite et numérique, est identique, en revanche, un chercheur en neurosciences cognitives au CNRS pointe du doigt le manque de mémoire des enfants ayant appris à lire par la méthode numérique et non manuscrite. Ils seraient moins performants pour reconnaître des lettres fraîchement apprises, contrairement aux élèves qui les ont mémorisées durablement en les recopiant à la main…
Bien que pour le moment nous n’ayons pas le recul nécessaire pour juger l’effet de l’hybridation de la langue française sur les cerveaux de ses usagers, nous pouvons nous interroger sur le lien de causalité entre l’ultra-digitalisation et la recrudescence d’Alzheimer chez les jeunes, dont la mémoire à court terme et la concentration sont défaillantes selon les experts en neurosciences.
Ce déclin cognitif juvénile s’expliquerait par la mutation du gène PSEN1, responsable des troubles cognitifs accélérés chez les plus jeunes. Loin d’être des cas isolés, un vingtenaire a été diagnostiqué positif en Espagne, après avoir passé le test du WHO/UCLA AVLT (test destiné à évaluer la mémoire à court et à long terme), tout comme cette jeune femme de 33 ans originaire de Shangai…
Un phénomène à surveiller, même si pour le moment nous n’avons pas encore toutes les réponses sur les causes des cerveaux atrophiés et de la baisse d’activité dans le lobe temporal !
En tout cas, certains membres de l’Académie Française redoutent « une désintégration de la langue française par l’anglais » comme le répète depuis de nombreuses années son fervent défenseur, Jean-Marie ROUART.
Car derrière cette crainte, qui peut faire sourire par son excès, la démocratisation du franglais et de la langue inclusive, signeraient la perte de notre éloquence, cet art si français et tant envié à l’étranger !
A vouloir tout simplifier, on rétrécit la pensée. D’ailleurs retenons la citation d’Antoine de RIVAROL, publiciste, écrivain et essayiste : « Ce qui n’est pas clair n’est pas français ! »