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Cinéma : Je le jure

Critique d’un drame judiciaire ordinaire 

Bad buzz ou pied de nez du destin ? Le drame judiciaire tourné par le réalisateur Samuel Theis, Je le jure, vient de sortir en salle, sans promotion, et sans la présence du réalisateur aux avant-premières, à cause de graves accusations lors du tournage. Kiss City Mag a assisté à l’une des projections du film. Ici nous ne jugeons pas l’homme, mais l’œuvre uniquement. Les étudiants en droit, avocats et épris de justice, apprécieront !

Par Estelle GUEÏ

Publié le 28 Mars 2025

 

Lorsque la réalité dépasse la fiction

Mauvais timing de sortie pour le film Je le jure, du réalisateur, Samuel THEIS, accusé par l’un de ses techniciens de viol…Samuel THEIS n’a pas encore été jugé, mais l’accusation a remis en cause les conditions de tournage du film.

En effet, le film produit par l’une des fondatrices du collectif 50/50, qui œuvre depuis 7 ans pour l’égalité et la diversité dans l’industrie du cinéma, a été réalisé dans des conditions strictes suite aux accusations de viol.

Le réalisateur s’est ainsi retrouvé confiné dans une pièce, dirigeant ses acteurs isolé du reste de l’équipe.

Alors quid de ce film mettant en scène un drame judiciaire, né visiblement dans la douleur et dans le scandale ?

 

Dans les coulisses d’un drame judiciaire avec Marina Fois en Présidente de la cour d’assises

 

Une étude de la complexité humaine 

Reconnu pour ses œuvres explorant la complexité humaine, Samuel THEIS, nous livre un procès singulier où Marina FOÏS (bluffante dans le rôle de présidente de la cour d’assises) et Louise Bourgoin (touchante en jurée abonnée aux relations toxiques), nous plongent au cœur de la machine judiciaire française.

Ce casting 5 étoiles est agrémenté d’acteurs amateurs dont certains font leurs premiers pas. C’est le cas de l’anti-héros, Fabio, quadra désorienté, employé dans un centre de recyclage à Forbach, entretenant une relation secrète avec une septuagénaire, Marie (Marie MASALA). Une première apparition au cinéma, où Julien ERNWEIN fait sensation dans le rôle de Fabio tiré au sort pour être juré d’assises, dans le procès d’un jeune pyromane accusé d’homicide involontaire.

En prise avec des dilemmes moraux profonds, Fabio remet en question ses propres choix de vie

Pendant qu’on suit la vie décousue de Fabio, le réalisateur met en parallèle la chute d’un adolescent issu de la diversité, pyromane à ses heures perdues.

Le spectateur est alors immergé dans la psychologie de chacun des jurés bataillant à huis clos, pour savoir si l’accusé pyromane, Jean-Charles, de confession musulmane, (ayant causé le décès d’un pompier en service), doit prendre 15 ans de réclusion ferme, soit un tiers de sa vie passé derrière les barreaux, ou bénéficier de soins spécifiques ?

Comme dans un miroir judiciaire grossissant, nous observons à la loupe les considérations désabusées et parfois désarmantes de la Présidente de la cour d’assises (Marina FOÏS), taraudée par des considérations d’ordre éthique, moral, sociologique et psychologique.

A l’écran, les personnages prennent de l’épaisseur au fil des jours de ce procès cornélien, rappelant également le thriller de Sidney LUMET, Douze hommes en colère (1957).

 

Le jury du film « Je le jure » rappelle « Douze hommes en colère » réalisé en 1957 par Sidney Lumet

 

Une peinture sociale bouleversante

Outre la notion de liberté perdue, suite à une condamnation judiciaire, Je le jure, est un réquisitoire contre l’exclusion des hommes de la société, plutôt que de les soigner (triste mise en abîme de la genèse du film). 

Comment rester indifférent(e) à la détresse, au manque d’éducation et de repères de ce jeune pyromane qui utilise le feu pour prouver à sa famille et à la société, qu’il existe depuis le départ de son père, au pays ?

Lorsqu’il alluma ce feu son jugement était-il aboli ou altéré ? Mesure-t-il les conséquences de son acte (décès d’un pompier) ? Ressent-il des remords ou de la culpabilité ? Quelle est la différence entre un pyromane et un criminel ? Réinsertion ou répression ?

Autant de questions sur la notion de responsabilité pénale, sur la manière de juger les accusés cloîtrés et oppressés, derrière leurs box, et sur la façon dont l’origine sociale et l’environnement de l’accusé impactent le jugement des jurés.

Pendant 1h50, on observe impuissant, la confusion entre la justice et la vengeance personnelle. Le réalisateur semble s’interroger sur la société : comment bâtir un pont social entre les hommes et non pas ériger des murs d’incompréhension, d’incertitudes ou de préjugés ? Comment ramener les brebis égarées dans la société ?

Je le jure montre à travers les coulisses de la cour d’assises, les limites des possibilités que la loi offre sur les peines qui relèvent des troubles psychiatriques.

 

Julien Ernwein fait sensation dans le rôle de Fabio, tiré au sort pour être juré d’assises

 

 

Avis de la rédaction ⭐️ : 

Je le jure est très intéressant sur plusieurs aspects. Le film ouvre le débat, sans pour autant être un film trop manichéen, à la philosophie bien-pensante. 

Je le jure illustre d’ailleurs à la perfection une discussion que j’ai eue récemment avec un très bon ami avocat parisien, au sujet du droit pénal et de la responsabilité des accusés : « On juge plus les hommes en France et leurs parcours, plutôt que les faits. Ce qui n’est pas le rôle de la justice ».Une sentence pertinente qui va à l’encontre de celle proférée dans le film Je le jure par l’avocat de l’accusé pyromane, et criminel malgré lui : « On ne juge pas un homme, mais un crime. Un parcours qui l’a mené jusqu’à passer à l’acte ».

Partagez-nous vos commentaires, vos avis comptent ! 

 

Genre : Drame, Judiciaire
Réalisateur : Samuel THEIS
Acteurs : Julien ENRWEIN, Marie MASALA, Marina FOÏS, Louise BOURGOIN
Durée : 1h50
Sortie : 26 mars 2025

 

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