Aimer Tue
Ce huis clos inspiré d’un fait divers survenu dans la banlieue bobo des Hauts-de-Seine, à Montrouge, ne vous laissera pas insensible. Homme sans histoire travaillant dans le luxe depuis 35 ans, Paul est fou d’amour pour Christelle.
Par Estelle GUEÏ
Passion Meurtrière
Sur fond de crime passionnel, un bijoutier sexagénaire, Paul KLEBERT, imagine que l’une de ses clientes, Christelle VERDIER, partage les mêmes sentiments amoureux que lui. S’ensuit une série de quiproquos qui mèneront la malheureuse vers la mort. Loin de fustiger le condamné qui se retrouve aux assises pour son crime et se remémore comment cette passion suicidaire lui est survenue, le spectateur plonge dans les méandres de l’esprit d’un érotomane ou psychopathe selon la position qu’on adopte. Celui qui perdait le goût de la vie semble soudain revivre. Pour retrouver l’objet de ses désirs, il échafaude un stratagème pour l’inviter à déjeuner : fragiliser le bracelet que la cliente a acheté pour qu’elle revienne à la boutique. D’un fallacieux coup de pouce du destin, on passe alors à un traquenard morbide.
De déjeuner en déjeuner avec Christelle, le bijoutier se fait des films. La belle est séductrice et l’homme séduit. Le dîner qu’il aura préparé aux chandelles tournera au drame lorsqu’elle refusera la bague qu’il veut lui offrir pour compléter sa parure. L’affront réveille ses plaies les plus profondes. L’homme transi d’amour, plonge en plein délires, ouvrant la porte à ses souffrances d’enfance : l’abandon de sa mère. La jeune femme devient alors le réceptacle de ses frustrations et névroses. Son esprit vole en éclat ne faisant plus la part des choses entre la réalité et les fantasmes. Dans sa tête tout s’emmêle. Il oublie la notion du temps, du bien, du mal…Le bijoutier installé, vire alors schizophrène paranoïaque, se parlant à lui-même et ourdissant les pires scénarios.
Chosifiée, la femme devient une proie, car elle incarne à la fois cette mère qui l’a abandonnée et ces amantes qui l’ont délaissé
Pendant près d’une semaine la victime sera séquestrée, puis droguée à coups d’anxiolytiques et somnifères. Malgré l’issue inextricable de l’histoire, le criminel interprété avec élégance et dignité par François CRACOSKY, nous interroge sur la notion de culpabilité et comment nos sentiments amoureux peuvent nous mener vers des actes irréversibles.
A la fin de la pièce de théâtre, un billet nous est distribué pour que le public puisse choisir si la personne est coupable ou non, car le jugement du procès ne sera pas donné à la fin de la pièce. Seul le public choisi. Même si sur le papier ou à l’écran la réponse est indéniable, après avoir vu la pièce, un sentiment étrange nous remue l’âme tandis que nous plongeons dans les méandres de son esprit tourmenté…Mention spéciale pour les extraits musicaux et les voix off du juge, des avocats et du témoin qui contribuent au réalisme de la pièce.
Aimer Tue
De Myriam GRELARD
Au Festival d’Avignon jusqu’au 26 Juillet
Théâtre au Chapeau Rouge
Compagnie Les Scènes d’Argens
Durée : 1h
Tarif : 18 euros