Théâtre : Lettre d’Evita
Grande figure politique du XX ème siècle, Eva Perón, Première Dame d’Argentine s’est battue pour les droits des femmes et la lutte contre la pauvreté avant l’heure. A travers la pièce de Cristina ORMANI, le tango de sa vie se découvre entre ses écrits et chansons.
Par Estelle GUEI
Une figure du féminisme
Délicate. C’est le premier mot qui nous vient à l’esprit lorsque dans cette petite salle obscure et intimiste, on découvre cette Evita revisitée, sous les projecteurs bleutés. Le décor est sommaire, comme dans une chambre où trône un secrétaire, quelques bougies et livres. Sur scène, la comédienne est habitée par le personnage. Ses mots dépeignent une réalité dure, que l’épouse du Président Perón connaît bien, puisqu’issue d’une famille de 4 enfants, elle a ensuite grandi dans un orphelinat, avant de devenir actrice à l’âge de 15 ans. A 27 ans, Eva Perón, loin de rejeter ses origines modestes, aura à cœur d’aider les plus démunis. Alors que les médias se moqueront d’elle, lui reprochant par exemple l’envoi de machines à coudre aux familles pauvres, elle leur rétorquera vaillamment : « ma mère a élevé ses 4 enfants en pédalant sur sa machine ! »
Toute sa vie, Eva luttera « contre les petits chefs, les syndicats, les Péronistes et les tièdes qui sont comme les anges assignés aux portes de l’enfer. Ils n’ont ni saveur, ni odeur ! » Vous l’aurez compris ce personnage haut en couleurs et de caractère, n’a pas sa langue dans sa poche. Face à la maladie, Eva tiendra tête contre son cancer, pour apporter au peuple argentin un message d’espoir et des actions concrètes sur le terrain, avant de décéder à l’âge de 33 ans.
Grâce à cette femme courageuse et téméraire, les Argentines auront le droit de vote, des bourses pour étudier, une Fondation pour les soutenir dans l’adversité et un salaire comme les hommes. Elle leur apprendra « à ne pas dépendre financièrement de l’oppresseur »
Celle qui se définit étant « libre comme un oiseau, comme le feu » ne s’est pas laissée éblouir par le faste du pouvoir, de l’argent ou par la gloire. Son amour pour Perón et pour le peuple « les-sans-chemises » érigeront cette Première Dame comme une figure, un étendard du Féminisme !
Nous ne pouvons que vous encourager à découvrir cette émouvante pièce de théâtre, entrecoupée de souvenirs bienveillants, d’heures plus sombres, de messages d’amour et de gratitude à la vie, et de chansons argentines.
Jusqu’à maintenant nous connaissions le film d’Alan PARKER, où la chanteuse Madonna interprétait ce même rôle en 1996, sous forme d’un film musical. Dans l’adaptation de Cristina ORMANI, la Cendrillon des Temps Modernes nous fait sortir de notre tour d’ivoire, via des phrases chocs comme : « la bienfaisance a été créée pour donner bonne conscience aux nantis et entretient le business de la pauvreté ». Comment rester insensible face à cette description d’enfants vendant des roses dans les restaurants et « chassés comme des nuées de mouches » ?
Près de 100 ans plus tard, le message d’Eva Perón est toujours audible et plus que jamais d’actualité. Celle dont le corps et les écrits ont été cachés pendant 17 ans après sa mort, n’a pas dit son dernier mot !
LETTRE D’EVITA
Par Cristina ORMANI
Théâtre Essaion
6 rue Pierre au Lard,
PARIS IV
Jusqu’au 7 Mai
Tous les jeudi, vendredi et samedi à 21h30
16.50 €