Le Journal d’Adam & Eve

La place de la femme dans nos sociétés modernes a-t-elle évoluée depuis l’époque de Mark TWAIN ? Mise en scène par Mario AGUIRRE, primée au Festival Off Avignon 2022, jouée par Julien GRISOL et Carola URIOSTE, Le Journal Intime d’Adam & Eve, joue les prolongations !

Par Estelle GUEÏ

 

Une pièce à double lecture

C’est dans un décor noir minimaliste où scintillent des guirlandes d’étoiles bleutées, qu’on découvre le 1^er couple de l’humanité : Adam & Eve. Le premier est un jeune homme brun, aux yeux sombres, élégamment vêtu d’un costume 3 pièces. La seconde, Eve, à l’accent bolivien, irradie dans une robe corail. Simple, mais du plus bel effet. Voir évoluer sur scène ce couple élégant et intemporel est agréable. Au-delà de la leçon de mode (le père du comédien, Francis GRISOL, nous confiera apprécier le port du costume et de la chemise, par respect du public et par goût du raffinement) Un discours à contre-courant de ce que nous infligent certains animateurs et personnalités voulant jouer la carte de la proximité, en arborant jeans, t-shirts à cols ronds et autres textiles ordinaires !

Revenons à cette unique pièce de théâtre, écrite en 1893 par l’auteur des aventures de Tom SAWYER et fondateur de la littérature américaine moderne, Mark TWAIN. Avec un esprit de fronde, Le Journal d’Adam & Eve remplit son rôle de pamphlet sur les rapports hommes-femmes inspirés de la Bible, au tournant des XIXe et XXe siècles.

Les dialogues truculents entre Adam et Eve fusent comme des joutes verbales. Le spectateur ne peut s’empêcher de penser au livre ou à la pièce de théâtre Les Hommes viennent de Mars et les Femmes de Vénus.

 

L’œuvre du temps n’a pourtant pas émoussé les observations de Mark TWAIN, qui décrit avec humour, dans un langage à la fois romancé et vivant, les interrogations liées au vivre ensemble, la complexité des relations hommes/femmes, la création du monde, l’amour, l’égo et la vision du couple.

Au début, Adam apparaît comme un grossier personnage autocentré, paresseux, se laissant porter par les événements et profondément solitaire. Eve le croisant dans le jardin d’Eden, l’observe de loin avant de l’apprivoiser. Imaginant tout d’abord que cette créature est un reptile, Eve s’interroge à haute voix sur sa fonction et sur son prénom. Dure d’incarner des créatures sorties de nulle part…Les références bibliques ne sont pas à prendre au premier degré.  Difficile de garder son sérieux lorsque Adam vérifie s’il ne lui manque pas une côte lorsque Eve évoque sa naissance « qu’il sortirait de la hanche de Dieu ».

La pomme de la discorde : fin du patriarcat ?

L’épisode de la pomme est un régal culturel. Car en croquant le fruit défendu, c’est alors qu’Adam et Eve accèdent à la conscience. Se questionnent. Analysent leur environnement. S’adaptent et progressent au fil du temps.

 

N’est-ce pas le propre de l’homme de s’interroger, de se remettre en questions, à l’image de la maxime du philosophe Socrate : « Je sais que je ne sais rien » 

A travers ce symbole fort, Mark TWAIN a voulu dénoncer le patriarcat avant l’heure, le dogmatisme religieux et les rapports hommes/femmes déséquilibrés dans la société américaine. Bien avant les suffragettes et les féministes, Mark TWAIN prête sa plume pour interroger le public sur les différentes facettes que revêt le racisme. Celui-ci n’est pas forcément lié à la couleur de peau, mais aussi au genre. En effet, « le racisme genré » était de rigueur dans la société américaine du XIXe et XXe siècles. Au fil des époques, de nombreuses femmes de lettres ont fait bouger les lignes pour que la voix des femmes soit portée plus haut, entendue et respectée.  De la créatrice de l’héroïne Scarlett O’hara, Margaret MITCHELL (Autant en emporte le vent-1936), à Virginia WOOLF, George SAND, Simone de BEAUVOIR ou plus récemment, Virginie DESPENTES.

Après avoir dénoncé le joug masculin subit dans une société patriarcale, aujourd’hui les femmes s’affirment et ont acquis leur indépendance financière, dans un environnement plus inclusif et égalitaire. Les femmes sont en mesure de ne plus être assujetties à l’homme, que celui-ci soit un père ou un mari.

Cette pièce de Mark TWAIN,  fait écho à l’appel d’Olympe de Gouges, lors de la Révolution Française : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ! »

Sans spoiler la pièce, cette adaptation d’AGUIRRE nous plonge dans différents états….Un peu comme dans la vie en somme….

 

Le Journal intime d’Adam et Eve

Mise en scène par Mario AGUIRRE

Avec Carola URIOSTE et Julien GRISOL

Au Théâtre Laurette

36 rue bichât, Paris 10