Théâtre : Le Bar de l’Oriental
Jean-Marie ROUART, Passion Indochinoise
Qui ne connaît pas Jean-Marie ROUART, le célèbre Académicien et Ecrivain spécialiste de la passion amoureuse ? Homme de combats, défenseur d’Omar Raddad et héritier de l’esprit libre des «Impressionnistes », JMR, comme on le surnomme, revient à ses premiers amours : le théâtre. Sa nouvelle pièce, Le Bar de l’Oriental, se joue jusqu’au 28 avril 2024 au Théâtre Montparnasse, à Paris !
Par Estelle GUEÏ
Les cœurs sur une poudrière
C’est une pièce de théâtre autour des passions troubles et sur l’histoire d’une femme déchirée, qui rappelle un peu La Dame aux Camélias sous les tropiques. Comment une femme au passé chargé d’ancienne courtisane, mariée et exploitée par son mari, trouve une rédemption dans l’amour ?
A 11 000 km de Paris, d’entrée de jeu, le décor est planté dans un Saïgon, où la guerre d’Indochine fait rage. Dorothée, jeune femme fatale au passé trouble, a suivi son mari, Jean, militaire et peintre à ses heures perdues, dans un pays ressemblant à une poudrière. A leurs côtés, sa sœur cadette Marianne, secrètement jalouse de l’indépendance et du charme ravageur de son aînée, dont tous les hommes sont épris.
Entre l’enlèvement d’une mystérieuse institutrice par les parachutistes, un terroriste communiste recherché et la guerre qui s’embrase, les personnages sont confrontés à leurs propres peurs, incohérences et secrets les plus enfouis…
Écrite par l’Écrivain et Académicien, Jean-Marie ROUART, Le Bar de l’Oriental est sa seconde pièce de théâtre. Un huis-clos dans lequel l’auteur de La Maîtresse Italienne (éditions Gallimard) excelle, avouant : « vouloir écrire encore plus de pièces de théâtre ! » Est-il mû par le plaisir de voir évoluer sur scène, ses personnages tout droit sortis de son intarissable imagination ou est-ce un moyen de conquérir un nouveau public ?
Un jeu d’acteurs et une mise en scène plus vrais que nature !
Lorsqu’on assiste à la représentation de cette pièce mise en scène par Géraud BENECH on ne peut s’empêcher de saluer la prestation des acteurs, habités par leurs rôles : Gaelle BILLAUT-DANNO, Pierre DENY, Katia MIRAN, Charles LELAURE, Pascal PARMENTIER et Mai THANH NAM.
Le décor a été pensé avec subtilité et modernité : des jeux de lumières aux effets visuels nimbés de fumées, aux bruits de grillons chantant près du pont en bois, le chevalet négligemment posé, clin d’œil à l’illustre famille de collectionneurs d’art et de peintres Impressionniste, dont est issu l’auteur de la pièce, Jean-Marie ROUART.
Bref, tout concourt à ce que notre esprit oublie le 31 rue de la Gaité, à Montparnasse, pour s’envoler vers le pays du soleil couchant, à l’époque de la guerre d’Indochine.
Les choix musicaux donnent envie de fredonner à l’instar de cette magnifique musique du tromboniste, Glenn MILLER, At Last. Le morceau entêtant nous caresse l’âme, tandis qu’un étrange triangle amoureux se forme sous nos yeux !
La pièce Le Bar de l’Oriental est écrite comme un roman : rebondissements, dialogues enlevés, suspens, contexte historique documenté et rythme !
Une pièce de théâtre écrite comme un roman
La plume de Jean-Marie ROUART transpire allégrement, résonnant avec délice à l’oreille du lecteur, fin connaisseur des thèmes qui sont chers à l’auteur.
En effet, la pièce de théâtre, Le Bar de l’Oriental, est un condensé de ses romans phares. Par exemple la femme fatale, Dorothée, au passé sulfureux, rappelle étrangement l’héroïne de La Vérité sur la Comtesse Berdaiev. Le thème du suicide revient souvent chez l’auteur de l’essai Ils ont choisi la nuit, aussi le personnage du mari possessif, jaloux maladif, Jean, rappelle le héros du livre, Le Cavalier Blessé.
Fasciné par les femmes volages aux allures de princesses russes, aux destins hors normes, nimbées de mystères inavouables, Jean-Marie ROUART aborde notamment le thème de la prostitution. Un sujet auquel il ne peut rester insensible, car l’écrivain a travaillé avec la Fondation Scelles pour lutter contre l’exploitation sexuelle. Il a notamment préfacé «Le livre noir de la prostitution » et s’est exprimé à plusieurs reprises dans la presse, contre la loi dite de « pénalisation du client».
Dans cette toile d’araignée où évoluent des personnages contrastés, on note la référence au huis clos de Jean-Paul SARTRE, grâce à la phrase prononcée par le commissaire en charge de débusquer le terroriste communiste : «J’ai fait des choses sous Vichy sales, pour que d’autre gardent les mains propres !»
Pendant 1h30, le jeu d’acteurs mené avec brio nous transporte dans les méandres de l’âme humaine, dans les arcanes de l’amour et du pouvoir, des rapports humains ambiguës et autres sujets de société comme la bisexualité ou la condition des femmes.
On suit alors ces personnages dont certains partent en guerre en imaginant y résoudre leurs problèmes personnels ou au contraire, les masquer. Dans ce jeu trouble, Jean-Marie ROUART est au sommet de son art.
Le Bar de l’Oriental nous confirme que ROUART est Le Grand Explorateur des abymes du cœur féminin !
Le Bar de l’Oriental
Écrite par Jean-Marie ROUART
Mise en scène par Géraud BENECH
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaité
Paris XIV
Entrée 20 à 40 euros
18h
Jusqu’au 28 Avril 2024