Biopic : Bob Marley & The Wailers
Comment Bob Marley a révolutionné le monde ?
Réalisé par Reinaldo Marcus Green (La Méthode Williams) et produit par la veuve de Bob Marley et ses héritiers, ainsi qu’avec le concours de Brad Pitt (coproducteur), le biopic consacré au chanteur jamaïquain, Bob Marley promet de faire couler beaucoup d’encre et de larmes !
Par Estelle GUEÏ
Souvenirs d’enfance
4 Chanteurs ont marqué mon enfance : Michael Jackson, Freddie Mercury, Tina Turner et Bob Marley. La rencontre s’est faite grâce à mon oncle, alors jeune vingtenaire rebelle qui passait ses journées (lorsqu’il n’était pas en cours de paysagisme) à écouter en boucle « Get Up, Stand Up ». Un vrai son qui donne la niaque. Vous transporte. Vous englobe au plus profond de vos tripes, même lorsqu’on ne comprend pas encore les paroles engagées.
Déjà enfant, Marley m’intriguait par son bob en laine jaune, rouge et vert, son visage au teint doré émacié, ses yeux noisette en amandes, ses longues dreadlocks noires, son bouc frisé et allure de lion faussement sage. Un personnage énigmatique qui s’affichait sur les vinyles ou pochettes de CD à côté d’une mystérieuse fleur à 7 branches. Un charisme universel qui faisait des ravages chez mes copines d’école, Sandy, Sandesse et Aurore, à la peau diaphane, aux yeux azurés et aux cheveux blonds. Rien à voir avec la petite fille « café au lait » que j’étais alors.
Bob Marley avait l’art de parler à tous les cœurs sans se soucier de la couleur !
Ensuite, l’ami Bob accompagna nos premiers pétards en colo, premières pelles, premières querelles d’amoureux, avant d’oublier la philosophie rastafari pour épouser les valeurs du « Loup de Wall Street » en grandissant. Une digression qui en dit long sur ce passage de l’enfance à l’adolescence, puis de l’adolescence à l’âge adulte, où nos rêves les plus purs sont parfois sacrifiés sur l’autel du capitalisme.
Direction la Jamaïque
Alors, lorsque la flotte des bus de la capitale et les stations de métros ont affiché l’image des dreadlocks folles de Bob Marley, dans un arc-en-ciel de couleurs jamaïcaines, ni une ni deux, j’ai foncé vers le cinéma Parnasse dans le 14ème !
Direction la machine à remonter le temps, pour tutoyer les cimes de ces hommes ambitieux, talentueux, qui ont changé à jamais la face du monde grâce à leur enthousiasme.
C’est sous les traits de Kingsley BEN-ADIR (remarqué aussi dans le film Barbie et World War Z) que l’acteur incarne à l’écran le charisme fou de Bob Marley. Produit par Brad PITT et le fils de Bob et Rita MARLEY, Ziggy MARLEY, le biopic joue avec les temporalités pour nous transporter dans les moments clefs de la vie du leader du goupe The Wailers.
Comme sous le regard d’une caméra embarquée, le spectateur suit la vie trépidante de la star interplanétaire et de ses doutes existentiels. De ses relations artistiques avec sa major, ses parties de foot entre copains, incartades amoureuses, tournées en minibus ou en avion aux 4 coins du monde, processus créatif où l’inspiration n’est pas tout le temps au rendez-vous, trahisons d’amis véreux, racisme structurel…Bob MARLEY apparaît tour à tour sous différents masques. Loin de l’icône musicale.
Un homme, fruit des amours d’une jamaïcaine noire et d’un homme blanc, dans une société où les enfants métis étaient stigmatisés. La double peine : celle d’être « bâtardisé » et de ne pas correspondre aux standards, dans une époque où la couleur de peau, érigeait des barrières entre les hommes. Cette blessure d’abandon habite l’atmosphère du film pendant 1h47. Les images paternelle et maternelles sont quasi absentes. Elles apparaissent par petites touches. Le père est représenté symboliquement sur un cheval, devant un cercle de feu, où les flammes dansent au rythme d’une musique rappelant celle du film « Black Panther » de Ryan COOGLER.
Une icône messianique
A l’aide de flashback, le spectateur est entraîné dans le cheminement de pensée du héros, qui se remémore à chaque titre un pan de sa vie. On revisite ainsi son enfance et adolescence avant que le succès ne propulse Bob Marley sur les scènes du monde entier. L’effet « œil dans le rétro » est savamment distillé. On découvre ainsi un jeune homme presque messianique dans sa volonté de diffuser « Le Message » à travers la planète, grâce au pouvoir de la musique, des instruments et des textes qui auraient le don d’unifier tous les hommes et les femmes. Habité par la philosophie Rastafari (mouvement social, culturel et spirituel développé en Jamaïque dans les années 30), jusqu’au bout Bob Marley aura eu à cœur de se battre et même de prendre des risques au péril de sa propre vie, pour donner vie à son projet unificateur et pacifique.
Impossible de rester insensible face à cette formidable histoire d’amour nouée entre Bob et sa muse Rita.
Tous deux se sont transcendés dans les souffrances de l’abandon dès leur plus jeune âge, pour se hisser vers la quête de la vérité, puis aux cimes du succès !
Dans ce film à la poésie folle, la grande Histoire se mêle aussi à la petite histoire, par le biais de la politique, dans un monde post-colonial où les guerres civiles font rage, notamment en Jamaïque.
Plus qu’un film, ce biopic est un vibrant hommage pour l’homme à la carrière fulgurante, qui a marqué des générations et marque encore nos esprits épris de liberté.
Retenons cette merveilleuse phrase de Rita MARLEY au sujet de l’homme décédé au même âge que le Christ : «Moi ce que j’aime ce sont les hommes ambitieux qui donnent un sens à leur vie»