Influenceurs / influvoleurs : le business des réseaux sociaux
A l’heure où les influenceurs exposent leur mode de vie, leurs looks et leurs activités en gagnant leur vie grâce à des placements de produits et à des partenariats, un cheveu s’est glissé dans la soupe. L’été dernier, Booba dénonce ceux qu’il appelle les « influvoleurs », une partie des influenceurs qui opéreraient des pratiques commerciales trompeuses sur internet. Depuis, un cadre légal se dessine. Pour vous, KissCity Paris fait le point.
La Rédaction
Pour commencer, qu’est-ce qu’un influenceur ?
Un influenceur, ou un créateur de contenu, est une personne qui utilise les réseaux sociaux, entre autres, pour partager du contenu, des opinions. De fait, par son exposition sur internet et sa notoriété, il peut avoir une influence sur les internautes qui le suivent et sur leurs décisions d’achat notamment.
On trouve de tout ! Des candidats de télé-réalité, aux vulgarisateurs scientifiques ou politiques, en passant par les amoureux du livre ou de la mode, internet regorgent d’influenceurs en tout genre. Et heureusement, il y a de la place pour tout le monde. On estime aujourd’hui 150 000 influenceurs actifs en France sur YouTube, Instagram, TikTok et Facebook.
Travailler dans le milieu de l’influence est un vrai métier. En plus de créer du contenu personnel pour alimenter leurs plateformes, les influenceurs peuvent collaborer avec des marques en créant des partenariats avec celles-ci et en faisant des placements de produits. Ils seront rémunérés en fonction de leur audience, et du contenu qu’ils produisent. Les influenceurs endossent alors la casquette d’ambassadeur de marque et créent du contenu pour celle-ci, « influençant » implicitement les followers à se diriger vers la marque. Ils sont un réel atout pour les marques désireuses de développer leur visibilité sur internet. Et c’est donnant-donnant : les influenceurs sont payés pour parler d’une marque qu’ils, la plupart du temps, apprécient ; la marque gagne en visibilité et en clientèle ; les internautes découvrent de nouveaux produits et de nouvelles marques.
Mais alors c’est quoi les « influvoleurs » ?
L’été dernier, le célèbre rappeur Booba a lancé une vendetta contre les influenceurs, particulièrement ceux issus de la téléréalité, pratiquant le dropshipping. Cette méthode de commercialisation consiste à revendre à des tarifs élevés des produits facilement trouvables sur des sites fournisseurs à petits prix. Ces influenceurs feraient des publicités et des recommandations sur des produits, avec un code promotionnel qui le ferait revenir à tel prix, mais ce produit est en fait disponible sur un autre site quatre fois moins cher.
Dès lors, Booba voue une guerre sans merci depuis plusieurs mois à l’agent d’influenceurs et de candidats de téléréalité Magali BERDAH. Le rappeur lance alors le #influvoleurs et ouvre une boîte mail du même nom afin de récolter des témoignages des victimes de ces pratiques commerciales trompeuses. Parmi eux, beaucoup n’ont jamais reçu leur commande, ni revu leur argent après avoir commandé sur des sites mis en avant par ces « influvoleurs ». Parfois livré, le produit est en fait une contrefaçon venu d’Asie. En septembre dernier, le parquet de Grasse (Alpes-Maritimes) ouvre une enquête après la plainte déposée par Booba pour « pratiques commerciales trompeuses ».
En parallèle, la sphère générale des influenceurs est en ébullition, ne souhaitant pas être associée à ce type d’agissement, majoritairement opérés par les candidats de télé-réalité. La plupart des créateurs de contenu ont des préoccupations et une éthique complètement opposées à ces derniers.
La porte ouverte à une législation
Ce sont peut-être ces polémiques qui ont poussé le gouvernement et la justice à prendre au sérieux ce nouveau métier et à poser quelques bases législatives pour l’encadrer et éviter les dérives.
Le jeudi 30 mars, les députés de l’Assemblée Nationale ont voté une proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Elle vient notamment définir et encadrer l’activité commerciale sur ces plateformes. Le projet de loi prévoit de créer un statut juridique pour les influenceurs, ainsi qu’une véritable définition du métier ainsi que de celui de leurs agents.
Les influenceurs mineurs de moins de 16 ans profiteront de dispositions protectrices du droit du travail. Parmi les réglementations, les influenceurs devront indiquer l’utilisation de filtres ou de retouches lors de leurs publications photos ou vidéos.
Il sera interdit de faire de la publicité relative à la chirurgie et à la médecine esthétique et de faire la promotion de certains produits comme des médicaments, des investissements financiers ou des contrefaçons.
Le mois dernier, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) avait publié une enquête accablante montrant que parmi une soixantaine d’agences et d’influenceurs ciblés depuis 2021, 60% d’entre eux n’ont pas respecté la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs.
Il est prévu que les influenceurs qui violeront ces interdictions ou ces obligations posées par la proposition de loi, risqueront une peine de prison et de fortes amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros. Dans certains cas, une interdiction d’exercer pourra être proclamé.
Une nouvelle tribune qui fait polémique
En réponse aux polémiques récentes sur le comportement des influenceurs responsables de pratiques commerciales douteuses, des agences spécialisées dans la relation entre les marques et les influenceurs et les marques avaient annoncé en janvier la création d’une première fédération professionnelle : l’UMICC (Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu). Cette dernière initie, peu avant le vote du projet de loi, une tribune publiée dans le Journal du Dimanche. La tribune aux 150 signataires semble aller à l’encontre de la régularisation du secteur proposée dans le projet de loi.
Mais alors qui sont ces signataires ? Squeezie, EnjoyPhoenix, Gotaga, Seb, Alix Grousset font partie de ceux qui ont signé la tribune… et qui s’en sont vite désolidarisé !
La tournure maladroite du texte, donnant l’impression d’un barrage contre le projet de cadre légal a étonné plus d’un chez les followers des signataires. Peu à peu, ces derniers se sont retirés en affirmant pour la plupart ne pas avoir pris le temps de lire le texte ou qu’on leur avait mal expliqué ce qu’il s’y trouvait.
Plusieurs pensaient que le texte de loi proposé les pénaliserait au même titre que les « influvoleurs », c’est pourquoi ils auraient donné leur accord de principe pour cette tribune.
Finalement, c’est l’UMICC elle-même qui a présenté ses excuses en affirmant qu’elle soutenait cette loi.
Name and shame
Cette semaine, le gouvernement a annoncé qu’il rendra bientôt public les noms de 30 influenceurs coupables notamment de ne pas avoir signalé le caractère publicitaire de leurs publications. C’est la suite presque logique après l’adoption du texte de loi transpartisan.
Bruno LE MAIRE a déclaré : « Nous avons contrôlé 50 sites d’influenceurs, sur ces 50 sites nous avons constaté 30 infractions« . Aujourd’hui, les influenceurs ont l’obligation d’indiquer clairement le caractère commercial ou publicitaire d’une publication. La loi censée renforcer la législation et donner un cadre à l’activité d’influenceur a été présentée en commission des affaires économiques au Sénat mercredi, soumise au vote de la Haute assemblée le 9 mai et adoptée à l’unanimité en première lecture.