Entretien avec un Poète
Si le titre rappelle le best-seller d’Anne Rice adapté au cinéma, Entretien avec un Vampire, la comparaison s’arrête là. Le spectacle d’Abad Boumsong nous emporte dans un univers ultra-émotionnel et futuriste. Un poète moderne aux rimes venues d’ailleurs…
Par Estelle GUEÏ
Comme un sentiment d’urgence
Sur scène Le Prince des Poètes déploie sa longue silhouette enveloppée dans un long manteau. Sa coiffure rappelle le rockeur Hendrix. Avec humour il interpelle le public en le questionnant tout au long du show, car les questions sont souvent bien plus intéressantes que les réponses. Ce cheminement intellectuel rend le spectacle d’Abad BOUMSONG particulièrement interactif, dans l’air du temps, rafraîchissant et aussi dérangeant.
Car derrière son allure de géant, Abad est un hypersensible et une sorte de génie qui s’ignore. Si à la ville l’auteur et poète est parfois bègue, sur scène son bégaiement disparaît, laissant place à des mots ciselés comme des obus d’amour. A mi-chemin entre philosophie et poésie, Entretien avec un Poète, nous interpelle sur une palette de thèmes très actuels. La femme y tient le rôle principal. Véritables héroïnes, elles sont tantôt décrites comme des amazones des temps modernes, femmes amoureuses, mères célibataires, mères nourricières ou gardiennes du temple de la vie.
On sent derrière le choix judicieux des mots la douleur du petit garçon qui supplie sa mère de le renvoyer à l’Univers d’où il vient. Ainsi l’artiste nous entraîne dans sa conception toute personnelle de la vie, à travers de subtiles métaphores. Comme celle du bébé qui pousse son premier cri, car il pressent que la vie sera constituée de différentes prisons à ciel ouvert… Comparées aux étages d’un gratte-ciel avec rooftop, ces « prisons » conditionnent nos éphémères existences selon nos appartenances sexuelles, ethniques, religieuses, nationales et sociétales.
C’est une vision assez troublante de la vie qu’il décrit dans le poème Maman
« La vie est éphémère et les anges sont rares, comme des œuvres d’art »
Alors que le public est submergé par l’émotion, le poète s’excuse de n’être qu’un homme. On le sent comme une éponge, un être vulnérable, naturel même dans ses gestes sur scène lorsqu’il esquisse des danses hypnotiques avec ses mains. Le regard du spectateur est comme hypnotisé et imagine à l’écoute des mots, ce monde où la douloureuse clameur humaine laisse place à l’amour et à l’espoir d’un monde meilleur. L’atmosphère se fait étrange.
Le public retient son souffle et gamberge, en proie à un mystérieux voyage intérieur
Sur son visage aux traits métissés, on y lit une immense tendresse, teintée presque de naïveté et de ce supplément d’âme si rare à Paris. Le décor est minimaliste. Sur scène des livres jonchent le sol, des t-shirts aux messages chocs sont accrochés au rideau, les lumières créent différentes atmosphères selon les thèmes abordés. La musique et les classiques de la littérature s’invitent aussi au spectacle. On redécouvre les citations du poète Victor HUGO, les musiques cultes d’Ennio MORRICONE ou encore BEETHOVEN.
La mise en scène de Dominique COUBES, est dynamique et la narration du poète nous emporte. A la fin du spectacle, certains spectateurs souligneront que sa gestuelle rappelle les mains de Jacques Brel. Avec timidité Abad nous précisera avoir voulu rendre hommage au chanteur belge, en citant une phrase issue de son titre « Les Gens ».
Ce que je retiens de cette soirée est l’impression d’avoir découvert sur scène un OVNI poétique qui nous rappelle le caractère éphémère de la vie, l’importance d’être à la fois le maître et l’élève, de dépasser cet égo qui nous enferme, troquer les désirs de possessions pour la vraie quête : l’amour !
Avec philosophie, le poète des temps modernes nous rappelle également, qu’à l’image de l’éternité, nous sommes des êtres illimités…Alors utilisons notre imagination à bon escient pour réaliser de belles choses, aimer et être incandescent.e.
Ce spectacle est « un vrai présent », « un cadeau » comme le confieront certains spectateurs ébranlés. Alors qu’attendons-nous pour rendre le monde meilleur ?
Qui est Le Prince des Poètes ?
Derrière ce nom de scène délicieusement romantique et un brin désuet, se cache un auteur hypersensible, un artiste engagé pour la cause féministe et pluridisciplinaire. Abad BOUMSONG est notamment le grand-frère du footballeur de l’équipe de France, Jean-Alain BOUMSONG.
Son spectacle « Entretien avec un Poète » a été joué au Théâtre du Gymnase et plébiscité par des personnalités, telles qu’Harry ROSELMACK, Stomy BUGSY ou encore Omar SY.
Abad BOUMSONG est notamment l’un des fondateurs du collectif parisien d’artistes DAVAR, maison d’édition associative, qui organise des événements en lien avec le théâtre, la poésie, le roman et les différentes formes d’art. DAVAR se crée actuellement sous l’impulsion de 3 jeunes auteurs parisiens connus : Abad BOUMSONG, Joshua LAWRENCE alias Joshua LAFFONT-COHEN, et Estelle GUEÏ.
Entretien avec un Poète
D’Abad BOUMSONG
Mise en scène Dominique COUBES
Musique Maxime RICHELME
Théâtre La Petite Croisée des Chemins
43 rue Mathurin Régnier
PARIS XV
Tous les jeudi et vendredi à 19h, jusqu’au 11 Novembre 2022