Bavure policière
J’accuse !
Un mois et demi après l’affaire du producteur, Michel ZECLER, moi, de mon nom de plume et de scène, « Estelle ESTHER », journaliste indépendante, directrice de publication et cheffe d’entreprise, j’ai subi 24h de garde à vue arbitraire. J’ai infiltré, malgré moi, les coulisses de la police du 9ème arrondissement de Paris. Retour sur la chronologie des faits et sur ces 2 jours interminables, passés dans l’antichambre des forces de l’ordre, à cause de l’oubli du port du masque et d’une vidéo Instagram où je dénonce les méthodes de travail abusives de la police !
Par Estelle GUEÏ
Un traquenard nommé G.A.V (*garde à vue)
Toute de rouge vêtue et flanquée de ma valise rose, le Uber me dépose juste devant le commissariat du 9èmearrondissement, à Paris. Je suis à l’heure pour enfin m’expliquer sur mon exaspération provoquée par une double-amende de 270 euros infligée en 8 minutes, en bas de chez moi, pour un oubli de masque et soi-disant manque de courtoisie envers un policier. Calme, polie, de bonne humeur et confiante en la justice française, je me sens sereine, car un ami avocat pénaliste, m’a rassurée, en me confirmant qu’il s’agissait d’une audition libre et qu’à tout moment je pouvais le joindre en cas de besoin. Je précise que je n’avais pas reçu de convocation officielle par voie postale, juste un mail et que je venais donc de mon plein gré. A l’accueil, un aimable monsieur me dévisage abasourdi. Visiblement, il ne doit pas avoir l’habitude d’accueillir des jeunes femmes à béret rouge, au manteau de feutrine assorti, chaussée de bottes de cuir marron et d’une écharpe en vison !
– Mais que faîtes-vous ici Mademoiselle ?
– J’ai été convoquée pour une audition à 14h avec Mme Sonia. Seulement j’ai mon train à 16H09, j’espère ne pas le louper …
-Ne vous inquiétez-pas vous l’aurez, car ça ne va pas durer longtemps. Qui êtes-vous ?
Rassurée par sa bonhomie, je lui tends ma carte de visite au logo rouge, Estelle ESTHER, afin qu’il puisse m’annoncer.
Studieusement, je m’installe dans la salle d’attente rudimentaire en attendant qu’on vienne me chercher. Du haut de l’escalier, j’entends distinctement une jeune femme qui s’enquiert : « Elle est venue avec son
avocat ou pas ? » Ayant répondu par la négative, la femme s’empresse de descendre et m’invite triomphalement à la suivre dans une autre pièce sombre, froide, vétuste et sentant fortement l’urine. Surprise, je la suis sans savoir que je viens de tomber dans un véritable traquenard, autrement dit un guet-apens, où je ne peux sortir, puisque toutes les portes sont verrouillées !
Ne me formalisant pas sur le décor, j’esquisse un timide sourire et tente alors d’entamer un début de discussion, posément :
–Merci de me recevoir Madame. C’est bien que nous nous rencontrions pour régler cette histoire à l’amiable, entre personnes intelligentes. Car ces vidéos font suite à un contexte que je souhaite vous expliquer calmement. Je n’ai rien contre la police nationale, à de nombreuses reprises elle m’a aidée !
-Écoutez Madame, à partir de maintenant vous êtes en garde à vue ! Il est 14h10.
Sa réponse est ferme et froide, comme une porte de prison qui se referme sur moi. Abasourdie, je crois à un sketch et lui demande l’autorisation de joindre mon avocat comme il me l’avait préconisé en cas de besoin.
–Mais vous croyez que vous êtes dans un film ou une série américaine ou quoi ? Ici ça ne se passe pas comme ça ! C’est nous qui fixons les règles. Et maintenant je vous dis que vous êtes placée en garde à vue ! Donnez-moi ce téléphone tout de suite ! Ce n’est pas vous qui faîtes les règles !
Le piège se referme : on va te faire subir une ratonnade !
Mesurant le danger, dans un réflexe élémentaire de survie et de bon sens, je tente d’appeler mon avocat sur mon smartphone. A peine le numéro enclenché, la jeune femme m’ordonne immédiatement de raccrocher. Je m’accroche d’autant plus à mon portable, telle une naufragée à sa planche de salut. Chaque seconde qui s’écoule semblent être une éternité. 3 autres policiers présents dans la pièce m’agrippent et m’empoignent les jambes et les bras. Vaillamment je m’agrippe toujours à lui. Quelques larmes coulent sur mon visage. Mon écharpe de dénoue. Mon béret tombe. Mon masque bleu en tissu se déchire, tandis qu’autour de cette scène ahurissante, d’autres policiers nous entourent et commentent, comme s’il s’agit d’un spectacle. J’ai du public. Visiblement j’étais très attendue ! Les hommes goguenards en vont de leurs commentaires grivois et semblent amusés. En temps normal le costume a du charme, mais là en l’occurrence, je n’ai qu’une seule envie, m’enfuir de cet endroit ! Il est évident que mon mètre 57 ne fera pas le poids face à aux forces de l’ordre, donc je les supplie, les larmes aux yeux et le maquillage dégoulinant, d’arrêter de me brutaliser :
« Lâchez-moi et je lâche mon portable ! » A ce moment-là, j’avais vraiment peur d’y laisser ma peau, sachant que personne de mon entourage ne savait réellement où j’étais. Insensible, un policier de très grande taille, ayant la même voix que Jean Dujardin dans le sketch sur les policiers, se marre et me balance:
« Tu connais les ratonnades ? Non ? Hé bien tu vas voir à quoi ça ressemble ! »
A ce moment là, je ne connaissais pas la référence historique des violences perpétrées en marge de la guerre d’Algérie en métropole. Je me demande pourquoi il me parle de chasse aux chasse aux ratons laveurs ou de rats. Il continue son discours surréaliste, en évoquant « Barbés » où il souhaite me déposer après la ratonnade…Je ne comprends toujours pas le sens de ses propos animaliers et sa référence à un quartier que je ne connais pas. Je lui rétorque : « de toute façon je ne me drogue pas et je ne fume pas, donc je n’ai pas besoin d’aller à Barbés ! »
Il se met alors à s’esclaffer avec ses collègues en me traitant de « petite bourgeoise qui ne connait même pas Barbés et qui ne connait pas la vie !»
Rétrospectivement, je comprends ce qu’est une « ratonnade » et qu’il m’avait assimilée à une maghrébine en raison de ma couleur de peau café au lait. Ahurie devant les inepties qu’ils me débitent et la violence de leurs actes, je capitule en les suppliant à nouveau d’arrêter de me faire du mal. Ils ponctuent leurs brimades en pestant contre les « influenceuses » et « Instagram ».
Je pense être tombée clairement dans un piège…Leur brutalité prend fin, mais ce n’est que le début d’une longue cascade de violences morale et de scènes improbables, que je vais subir pendant 24h non-stop !
Pourquoi témoigner sur mes conditions de détention ?
Si aujourd’hui j’en viens à prendre la plume, c’est pour dénoncer des pratiques de cow-boys qui ne devraient plus se produire sous notre drapeau tricolore. D’autant plus par des fonctionnaires d’état, détenteurs de l’autorité, assermentés pour nous protéger et qui représentent l’État Français !
A travers mon témoignage, nuancé et factuel, je veux dénoncer le manque de respect et d’humanité qui écornent l’image très sérieuse et utile de la police nationale, dont j’apprécie le mérite et leur métier risqué. Trois jours après les faits graves qui se sont déroulés dans ce commissariat de police parisien, j’ai besoin de comprendre comment un groupe censé incarner l’ordre, la paix et la protection des citoyens, en arrive à orchestrer une mise en scène abusive, pour asseoir leur autorité et infliger des représailles en toute impunité sur les honnêtes citoyens.
Les vices de procédures, méthodes discutables, atteintes à ma dignité humaine et le manque de respect que j’ai subi, sont dignes des heures les plus sombres de l’Histoire. Les chocs psychologique et physique ont été particulièrement violents. Surtout qu’il s’agissait de ma 1ere garde à vue et que le flot de haine que j’ai reçu n’était en aucun cas proportionnel aux faits qu’on me reprochait pour avoir traité de « connards » et de « flics à la con » les 3 policiers qui m’avaient verbalisée d’une double amende.
Je soupçonne que ce dérapage abusif, a été planifié et programmé, telle une vengeance personnelle, pour me donner une leçon suite à la publication de vidéos sur Instagram où je contestais la double amende et les traitais de noms d’oiseaux. Le Procureur de la République avait-il réellement exigé 24h de garde à vue contre moi, une citoyenne lambda, journaliste indépendante, éditrice et chef d’entreprise, pour avoir dit : « C’est vraiment des connards ces putains de flics à la con ! » ? En termes de proportionnalité des faits qui me sont reprochés, même les cambrioleurs, dealers ou voleurs sont rarement placés en garde à vue plus de 24h !
Cette formidable expérience, m’a permis d’infiltrer de l’intérieur le système carcéral et l’administration judiciaire français. D’en mesurer ses forces et ses faiblesses. Lors de mon arrestation, il était évident qu’ils ne connaissaient pas réellement mon identité, ni ma profession. De plus, grâce à ma couleur de peau métissée, j’ai observé avec encore plus d’intérêt, cette violence verbale envers les personnes de couleurs, le mépris pour les handicapés, démunis sociaux, la misogynie et la masculinisation des femmes, qui semblent régner dans certains commissariats français.
Croyant que j’étais une « influenceuse » d’origine maghrébine, et non une journaliste indépendante et cheffe d’entreprise née en France, ils s’en sont donné à cœur joie. Alors que tout cela aurait pu s’expliquer et se régler en audition libre, dans un bureau, entre personnes civilisées et intelligentes. Faut-il s’étonner des dérapages commis par la police, qui peuvent parfois aller jusqu’au drame, comme les nombreuses bavures policières qui eurent lieu au cours de ces dernières années ?
Mon témoignage ne se veut pas à charge, car j’admets mon erreur. Il est nuancé et empathique. En authentique femme de paix et d’honneur, je veux apaiser ces tensions sociales et réconcilier les policiers avec le serment qu’ils ont prêté afin de protéger les populations et non les écraser sans pédagogie. « Écrire c’est déjà agir » disait l’écrivain François MAURIAC. Mon action passe par la plume, sans pour autant généraliser, car il existe aussi de belles âmes dans la police nationale, des femmes et des hommes de valeurs, qui ont des principes chevillés au corps. Tous ne sont pas des ripoux fort heureusement.
Voici mon récit dans l’antichambre du milieu carcéral !
Une palpation à nue en intégral !
Initialement, la fouille au corps est un acte judiciaire strictement encadré et règlementé, pratiqué par un officier de police judiciaire (OPJ) du même sexe que la personne, dans un local retiré et fermé. La fouille intégrale n’est possible que dans 4 cas, car elle porte atteinte à la liberté individuelle :
- Flagrant délit
- Enquête préliminaire (avec l’accord expresse de la personne)
- Commission rogatoire
- Recherche de fraude douanière
Par conséquent, on ne doit en aucun cas déshabiller intégralement la personne, sauf dans le cadre d’une fouille dite intégrale ou fouille à nue, lorsqu’il y a un réel motif. Sinon la palpation de sécurité ou recherche d’objets dangereux, se fait par-dessus les vêtements.
Dans mon cas, ce fut l’intégral. La policière qui m’avait tendu le guet-apens, s’en est donné à cœur joie, en ordonnant à 2 femmes de me faire une fouille intégrale. Je me retrouve nue et en pleurs, dans une petite pièce, à la porte entrouverte, ce qui permet aux hommes de se rincer l’œil discrètement. Traumatisée et ne comprenant pas ce qui se passe, je me déshabille, enlève ma robe, mes collants, mon soutien-gorge et mes bottes. Elles m’autorisent à garder uniquement mon tanga en dentelle et mes deux mains pour me couvrir la poitrine ! En larmes et profondément choquée par les épisodes que je vis, les deux femmes tentent désespérément de me calmer.
L’une d’elle demande, surprise, à sa collègue : « Mais c’est Estelle Esther, la fille d’Instagram ???! » l’autre lui répond par l’affirmative et lui confie qu’elle n’aime pas du tout ce que ses collègues me font subir et que cela lui fait presque mal au cœur. En temps normal, cette petite « notoriété » gagnée sur les réseaux sociaux m’aurait fait sourire, mais dans le contexte de ma nudité forcée, où je me sens déshumanisée et comme un objet à la merci de personnes inconnues, je suis loin d’en être fière. Ce seront les deux seules femmes empathiques et sensées, que je croiserais dans ce commissariat au cours de ces 24H de cauchemar….
Quelques minutes plus tard s’ajoute à mon humiliation, le déshonneur de la prise d’empreintes digitales et de mon ADN salivaire contre mon gré, malgré mes protestations, car je ne suis pas une délinquante et je n’ai pas de casier judiciaire ! Le crime qu’on me reproche, est de n’avoir pas porté de masque et d’avoir manqué de courtoisie envers les 3 policiers qui m’ont verbalisée copieusement, de 2 amendes, le 5 novembre 2020 et ensuite, d’avoir diffusé une vidéo Instagram où j’exprimais mon mécontentement sur leurs méthodes de travail!
Mensonges et refus d’avocat
La jeune femme qui m’avait signifié ma garde à vue, m’intime l’ordre de rentrer dans une cellule. Je demande à nouveau un avocat. Chose qui m’est refusée. Quelques minutes plus tard, elle revient avec un document qu’elle veut me faire signer à tout prix où j’affirme renoncer à prendre un avocat commis d’office et à voir un médecin, ce qui est faux ! Je lui fais savoir que je ne veux pas signer un tel document et qu’il faut le corriger, mais dans la confusion, rien de tout cela ne sera respecté ! On me laisse alors croupir, seule, dans une cellule froide de 6m2, comportant pour tout mobilier un lit en béton recouvert de 3 tapis de gymnastique en mousse, sans couverture, car selon eux elle serait infestée par la gale, et un banc de béton. Un policier s’amuse de mon effroi : « Et encore tu n’as pas goûté la bouffe !» Ayant retrouvé un semblant de calme, j’inspecte pragmatiquement, les lieux pour m’adapter à la situation et garder la tête froide.
Les portes transparentes, en plastique renforcé, comportent des tâches de sang, des brûlure de mégots, taggs au plafond et autocollants sur les murs. A l’angle du mur, une caméra observe mes fait et gestes, retranscris sur l’écran du bureau d’accueil, où se trouvent 2 policiers tous doit sortis de la 7 éme compagnie
Mes premières heures de garde à vue sont partagées entre les exercices de gainage au sol, méditation, prières, massage de mes membres endoloris, les cent pas dans la cellule, dormir et réfléchir. Je m’abstiens de boire ou d’aller aux toilettes à la turc, très mal entretenues, où les odeurs d’urine remontent par vagues, jusqu’à ma cellule. L’ironie du sort, c’est que même les policiers assis au poste de surveillance, se plaignent des relents pestilentiels.
Je repense dégoutée à la façon dont mes empreintes digitales, salivaires et photos ont été prises sans mon consentement. L’atteinte à mon intimité est à son paroxysme, je sens ma dignité bafouée. La gorge nouée, je demande un énième gobelet d’eau, qui m’est refusé, au prétexte qu’il n’y en a plus et qu’il faut boire directement au robinet des toilettes pestilentielles, alors qu’on est en pleine crise sanitaire du Covid-19. Le lendemain, je constate qu’il existe un service à 2 vitesses, puisqu’un autre détenu aura droit à un verre d’eau qu’il pourra remplir à sa guise !
Une cour de récréation indigne qui déshonore leur fonction !
En diagonale, j’observe et écoute les commentaires bruyants, éloquents de bêtise humaine et immatures des policiers de garde. Pour tuer le temps, ils regardent, affalés sur leurs sièges, des vidéos caricaturales sur leurs smartphones. Le sketch d’un humoriste parodiant l’accent africain : « la plaaace de la feeeemme est à la cui-siii-neee ! » semble provoquer l’hilarité du policier qui le remet en boucle trois fois de suite. Je suis sidérée. Les 2 gardiens de la paix jouent ensuite à « pierre-feu-ciseau-papier » avec leurs mains. Étant en désaccord sur l’issue du jeu, ils contactent avec le téléphone de l’accueil leur supérieure (la fameuse personne qui m’a accueillie) pour lui demander « s’il y a droit de faire un puits dans un pierre-feuille-ciseau ». Choquée par tant de désinvolture, j’entends la réponse de leur supérieure, très sérieuse, qui développe doctement sa réponse sur le sujet…Cette scène est juste surréaliste. Digne d’un film d’Audiard ! Je me crois dans un film comique avec de mauvais acteurs…
Mon cauchemar continue, lorsque j’entends soudain un vacarme assourdissant de corps qui tombent, de course-poursuite, de cris et d’objets qui s’entrechoquent. Les policiers de garde sont en train de jouer aux gendarmes et au voleur, dans le couloir ! L’un des policiers se plaint de n’avoir pas un jeu de jambes « assez musclé» …La sidération me paralyse. Je prie intérieurement pour qu’on me délivre et que l’avocat arrive au plus vite. Cela fait déjà 10h que je suis enfermée depuis 14h10.
En outre, l’anecdote du jeune caucasien handicapé, arrêté pour possession d’une boulette de cannabis, et menotté dans le dos, à sa chaise, depuis 4h, me fait prendre conscience de la méchanceté qui peut habiter l’être humain.
Alors que le jeune homme suppliait les policiers de le respecter et de lui enlever les menottes pour aller se désaltérer au robinet, qu’il n’allait pas s’échapper, l’un des policiers qui jouait à « pierre-feu-couteau-papier » lui rétorque : « Tais-toi le Cotorep, on est occupé ! ». Au début, avant de comprendre l’histoire bouleversante de ce jeune handicapé, mis en garde à vue, j’avoue que leurs dialogues m’avaient amusée dans mon profond ennui :
–S’il vous plaît, relâchez-moi. Vous voyez bien que je ne suis pas méchant ! J’ai soif.
-Tu ne vois pas que tu nous déranges ? Et tu attends qu’on ait fini avant de te donner à boire !
-Mais je vous explique depuis tout à l’heure que j’ai des problèmes pour m’endormir et que j’ai besoin de consommer du cannabis pour trouver le sommeil. Je ne suis un dealer vous l’avez bien vu ! Relâchez-moi ! Ça va durer combien de temps, ça fait déjà 4h que je suis attaché à cette chaise. J’ai mal !
– C’est nous qui décidons et tu attends le Cotorep !
-Pourquoi vous me tutoyez ? Je vous vouvoie. Vous devez me respecter, même si je suis handicapé. Et ça peut arriver à tout le monde malheureusement, à n’importe quel moment. Je ne souhaite même pas à mon ennemi de vivre ce que j’ai vécu. Si vous étiez passé par là où je suis passé, vous auriez plus d’empathie !
-(Rires) Bon, le Cotorep, ça suffit ! Tu ne vas pas nous raconter ta vie. Ça va !
-Messieurs, on dit plus Cotorep c’est une insulte ! C’est comme si vous traitiez quelqu’un de naine ou de clochard ! Il y a des mots qui ne passent plus ! Je touche la AAH ça veut dire allocation aux adultes handicapés sachez-le !
–Ok, ok, et tu dors où habituellement ?
-Avant j’étais dans un foyer, mais maintenant je suis dans un hôtel. Je peux vous donner le nom et l’adresse si vous voulez ? Et vous les appelez, ils doivent être inquiets…en plus il y a des horaires pour entrer…on n’entre pas comme ça comme dans un moulin ! Lâchez-moi s’il vous plaît, je n’ai rien fait de mal !
–Bah tu attends. C’est comme ça ! Et tais-toi un peu !
Alors que je pense que le pauvre individu s’est résigné, après quelques minutes de silence, il explique à ses tortionnaires psychologiques, qu’enfant il s’est fait violer dans un foyer pour mineurs par des adolescents, qui lui avaient attaché les mains dans le dos. Par conséquent, la posture dans laquelle il était depuis 4h, lui rappelait ses sévices endurés. Les policiers insensibles lui ont répondu que « ce n’était pas leur problème » et qu’il devait attendre.
Choquée et honteuse de m’être amusée intérieurement de sa façon de parler, je décide de prendre vaillamment sa défense. Je prétexte alors vouloir me désaltérer aux toilettes. Une fois à l’extérieur de ma cellule, je me dirige calmement vers le bureau où se trouve l’autre policier, et lui dit posément tout ce que je pense de leurs moqueries minables contre un handicapé, qui a pour seul délit, la possession d’une boulette de shit.
–C’est pitoyable la façon dont vous traitez ce pauvre jeune homme qui est handicapé en plus ! Vous n’avez pas honte !
Etonné par ma sortie, le policier me regarde, sans prononcer un mot. Il est visiblement gêné, mais c’est la stricte vérité. Alors, j’enchaîne sans me laisser intimider :
-En plus vous nous retenez depuis des heures ici. On ne sait même pas quand on va pouvoir sortir, alors que dehors il y des vrais bandits à arrêter ! C’est facile de s’attaquer à des petits poissons, citoyens sans histoires, surtout quand ils n’ont rien fait ! Nous ne sommes pas des délinquants, vous le voyez bien ! Donc à un moment ça suffit ! Arrêtez les vrais criminels qui commettent de vrais délits, au lieu de nous faire subir de telles humiliations inutiles ! C’est scandaleux ! A un moment ça suffit !
Leur manque d’humanité, d’empathie, de bienveillance et d’intelligence me dégoutent. La tête haute, je tourne les talons et retourne à ma cellule, sans me rendre dans ces affreux toilettes. Je n’ai cure de leur réponse, car lorsqu’un tel niveau de bêtise humaine est atteint, on ne peut rarement faire quelque chose !
Transfert dans un 2éme commissariat de police
Vers minuit, le téléphone retentit dans le commissariat, réveillant les autres détenus qui dorment dans la cellule à côté. L’un des surveillants semble être très emmerdé par « mon cas », car il ne peut pas accueillir 3 nouveaux arrivants, puisque les cellules sont déjà pleines et en tant que femme il ne peut pas me mélanger avec ces inconnus, au risque d’être violée.
–Mais que fait-on de la nana ??? On n’a plus de place en cellule ! On va la mettre où ?? Essayez de trouver de la place ailleurs, nous on ne peut pas !
Son collègue lui souffle alors l’idée du siècle :
–Demande qu’ils échangent les détenus. Comme ça on prend les 3 individus et on les place jusqu’à demain matin dans la cellule de la fille. Et elle, on lui trouve une place ailleurs en attendant ! On n’a pas le choix. Appelle d’autres collègues pour voir où on peut la mettre !
Mon cœur bat la chamade. Dans ma tête c’est la totale, si en plus je risque d’être violée derrière les barreaux c’est juste inconcevable. Une heure et demi plus tard, 2 policiers cagoulés et armés me sortent de la cellule, menottes dans le dos et me font asseoir dans une voiture. Destination inconnue qui semble proche du commissariat du 9ème. Pendant le trajet je tente d’expliquer la disproportion de la situation :
–Messieurs, tout de même, pour une vidéo Instagram, ça devient ridicule cette mascarade !
-Tout dépend de ce que vous avez mis dans cette vidéo ?
-Franchement, je regrette d’avoir insulté dans ma vidéo Instagram les 3 policiers qui m’ont collé 2 amendes à la suite, en 5 minutes chrono, pour n’avoir pas porté de masque et avoir soi-disant manqué de courtoisie ! Un rappel à la loi aurait suffi ! Pas une garde à vue de 24h, où je suis traitée comme une terroriste, une délinquante ou une criminelle !
Ils se regardent, consternés. Je continue encouragée par leur silence :
–Je suis journaliste et éditrice d’un magazine indépendant, donc je ne vais pas en rester là et je vais faire savoir aux autres médias ce qui s’est passé, car cette garde à vue est abusive et illégale !
Les 2 policiers interloqués, observent quelques secondes de silence supplémentaires et ne semblent pas du tout croire un seul instant mes explications et le contexte de ma garde à vue. C’est pourtant la stricte vérité, mais vue de l’extérieur, celle-ci leur semble inconcevable !
Encore sous le choc traumatique, je subis à nouveau une seconde fouille, cette fois-ci par-dessus mes vêtements. L’environnement est moins glauque, très éclairé, mieux chauffé, avec des étendues de grilles en fer colorées, alignées les unes après les autres, à l’infini. L’odeur est pestilentielle. Les détenus crient. Derrière mon masque, j’interroge la policière qui m’accueille :
–Mais ça sent mauvais ici !
-Ah bon ? Vous trouvez ? A force on ne sent plus rien !
Consternée, je me laisse guider jusqu’à ma nouvelle cellule, composée d’un lit minuscule et d’une couverture synthétique à carreaux, que je n’ose même pas toucher. Résignée, je me roule en boule dans mon manteau en feutrine, attendant la délivrance.
A 4h du matin, 6 policiers débarquent sans crier gare dans la cellule et m’ordonnent de me lever. Encore toute endormie, par réflexe, j’enfile mon manteau, croyant qu’il est l’heure de partir et de regagner l’autre commissarait.
–Vous allez où comme ça Madame ?
-Hé bien je mets mon manteau pour sortir !
-Vous n’avez pas besoin de manteau. Vous allez mettre vos mains contre le mur et écartez les jambes.
Cette troisième fouille aléatoire finie de m’achever. Entre eux, les forces de polices plaisantent en me signifiant « qu’être journaliste ne signifie pas être au-dessus des lois ». Une femme brune à l’allure de bonhomme, trés agressive, ajoute pour me narguer : « elle n’a qu’à finir sa nuit celle-là !»
A bout de force, le corps endolori, on me réveille finalement à 8h pour m’emmener au commissariat de police du 9èmepour m’entretenir enfin avec une avocate commise d’office.
Une audition sous forme de mea culpa
D’entrée de jeu, l’avocate sourit sous son masque et me dit : « Mademoiselle, c’est évident que vous n’avez pas le profil pour être ici ! Vous avez été victime d’un abus. Et vous auriez dû avoir un avocat beaucoup plus rapidement, pas le lendemain matin à 9h, mais dans l’heure même de votre mise en garde à vue ». Selon elle je suis un cas rare qu’elle n’aurait rencontré que 2 fois dans sa carrière.
Elle me confirme ensuite que 24h de garde à vue pour des noms d’oiseaux et des vidéos postées sur les réseaux sociaux c’est cher payé. Tout en sachant qu’il y avait un contexte à restituer et un climat sanitaire lié au Covid anxiogène. En effet, lorsque les policiers m’ont interpellée le 5 novembre 2020, prés de chez moi, c’était lors de la première semaine du second confinement, où les policiers avaient pour mission de verbaliser et non plus de faire de la pédagogie avec les populations !
C’est alors que je prends conscience que j’ai vraiment été victime d’un zèle policier pour m’écraser, m’humilier, sans témoins.
Alors que nous avions droit à 30 minutes d’entretien pour préparer l’audition, un policier intervient au bout de 20 mn et nous ordonne de le suivre à l’étage.
La même jeune femme qui m’a signifié la garde à vue, m’auditionne. Elle est clairement agressive et
mécontente. Elle me confie « avoir été choisie pour traiter mon dossier par ses collègues ». Très autoritaire et hargneuse, tout à la fin, elle semble s’humaniser devant mon absence de récrimination et ma compréhension.
Je comprends pleinement les souffrances des policiers, qui semblent avoir un besoin de communiquer. Cette frustration est palpable au cours de l’audition, où à cœurs ouverts ils me confient la dureté de leur métier et leurs conditions de travail difficiles. Mécontent, son collègue affirme « ne pas avoir choisi ce métier pour taper des gens ». Malgré les circonstances, sa souffrance me touche. Je conçois mon erreur de jugement. J’admets que c’est un métier difficile, surtout que le manque de moyens se fait cruellement ressentir dans ce commissariat habitué à traiter les ivresses sur la voie public ou les possessions de substances illicites.
Bien que s’humanisant peu à peu, la policière pousse le sadisme jusqu’à me garder 2h de plus dans la cellule nauséabonde et glacée, pour me relâcher à 14H10. Soit 24h complète de garde à vue. Le contact de l’avocate sympathique, ne me sera même pas communiqué par la suite, contrairement à ce qu’elle avait promis…
En conclusion
L’absence d’humanité, d’empathie, de respect et le mépris, mènent à des situations arbitraires, car « la violence des uns entraîne la violence des autres » comme l’expliquait l’anthropologue René GIRARD. En effet, répondre à la violence de la police créé l’engrenage de la violence mimétique.
Aussi, il est important et urgent de dénoncer les failles d’un système, afin que cessent les dérives, abus de pouvoir et stigmatisations, car nous appartenons à la même race humaine !
Et comme l’a rappelé lors d’une émission le journaliste Ivan RIOUFOL « On a le droit de dire des bêtises, casser l’apathie générale (…) entendre des paroles dissidentes. Où sont-ils ces journalistes qui osaient dire les choses ? On ne les entend plus ! Ils sont en tôles ? »
En partageant ce douloureux témoignage, de ma garde à vue épique au commissariat de police du 9ème arrondissement de Paris, la phrase d’un homme politique très engagé pour nos libertés individuelles, me revient : « Un monde sombre se dessine. Le règne de la terreur, de la censure et de l’arbitraire »
Lorsque je rédige cet article, la pensée du Général Pierre de VILLIERS : « Chérir la paix est un état durable à préserver », illustre parfaitement ma vision du monde et notre besoin d’unité, d’autant plus dans le climat que nous traversons. Je tiens aussi à remercier cet aimable policier, empathique, qui m’a proposé gentiment de m’accompagner dans de « vrais toilettes propres » afin que je ne subisse pas une nouvelle fois, l’épreuve des toilettes à la turc, malodorants et très sales. Ou encore cette jeune policière qui a eu un sourire d’humanité, avant que je ne quitte cet effroyable lieu, qui hante encore mes nuits !
Mes ancêtres et ma famille ont largement servi la France !
Je ne suis pas une délinquante ni une criminelle. Ma couleur de peau rappelle que je suis le fruit d’un métissage, symbole du multiculturalisme à la française. Mon père, René GUEÏ, originaire de Côte d’Ivoire a servi l’armée française pendant des années. Ma mère, Françoise RABEVOLO, est descendante d’une longue lignée de propriétaires terrien Bretons. Mon oncle maternel, Pascal RABEVOLO, a été Maire d’une ville française près de Nantes (Vue). Mes sœurs cadettes servent également la France au quotidien ! L’une, Evelyna GUEÏ, en exerçant le métier d’assistante sociale et l’autre, l’athlète Floria GUEÏ, en remportant à maintes reprises les titres honorifiques de Championne de France et Championne d’Europe du 400 mètres. Mon cousin, Emerse FAE, a également servi le drapeau tricolore en tant que footballeur international de ligue 1 et a remporté de nombreux championnats . Moi-même, je sers mon beau pays en m’engageant à travers mes articles, en créant de la valeur et en formant des jeunes au sein de mon entreprise. Je suis traitée comme une indigène, alors que je suis issue d’une famille qui a largement servi la France ! Mon arrière-grand-père maternel, infirmier militaire, était tirailleur malgache pour les forces françaises au Levant, en Syrie. Mon grand-père maternel, Jean-Marc RABEVOLO, à quant à lui fait la guerre d’Algérie.
Cette bavure policière, m’a d’autant plus motivée à m’engager au sein du Mouvement citoyen des Altruistes, où
je m’investis en tant que Responsable de la communication et du marketing du mouvement, pour faire bouger les lignes !
Par conséquent, mon témoignage dénonce les pratiques racistes et arbitraires qui subsistent encore, à notre époque, dans les rangs de la police nationale. Imaginez-vous le temps fou qu’ils ont consacré à me capturer et à me torturer psychologiquement, alors qu’en France une femme est tuée tous les 2 jours sous les coups de son conjoint ? Lorsqu’on sait que 50 cambriolages par jour sont perpétrés à Paris (source Ministère de l’Intérieur) on se demande que fait la police ? A priori, et je l’ai constaté de visu, ils jouent à « pierre-feuille-ciseau » !
Restons uni.e.s, solidaires et justes, car comme l’a rappelé le Général de VILLIERS, « Le sel de la vie est dans la prise de risques ». Ne nous muselons pas face aux injustices, aux inégalités et aux inepties !