Qui est Monsieur Chat ?
Formé à l’institut des arts visuels d’Orléans Thoma Vuille est à l’origine de la série graphique Monsieur Chat. Pour Kiss City Mag, l’artiste urbain franco-suisse nous ouvre les portes de son atelier.
Propos recueillis par Pierre Eudes
Comment ton chat est né ?
Il est né du dessin d’une petite fille en 1997 et de l’envie, au départ sans m’en rendre compte, de sortir du graffiti et de participer au street art. À l’époque, ça n’existait même pas !
Pourquoi le choix de cette couleur jaune orangée si particulière pour représenter Monsieur Chat ?
Au début, il était de toutes les couleurs. Un de mes proches, sensible à la couleur, m’a fait découvrir ce jaune orangé, à la fois vif et apaisant. C’est une couleur un peu bâtarde. Elle n’est pas affirmée, a de nombreuses significations différentes selon les cultures… En fait, je m’y suis attachée, comme ça, par hasard.
Que se cache-t-il derrière ce grand sourire radieux ?
Je vous laisse deviner (rires). C’est une ouverture sur les différentes cultures. En France ce sourire sera qualifié de bêta, alors qu’au Royaume-Uni le « grinning cat » est associé au chat qui montre les dents. En Afrique par exemple, dévoiler ses dents, c’est montrer son squelette. Il y a donc aussi derrière ce sourire une connotation plus dure, plus terrienne.
Ton chat est souvent peint en hauteur, sur les toits. Pourquoi ce chat perché ?
En fait, c’est assez technique. Durant ma période provinciale, le chat était vraiment terrien, mais quand je suis arrivé à Paris, en 2002, il a pris des ailes. Elles ont deux symboles : l’indépendance du chat et la liberté, la paix. Ce type de chimère est pour moi une création, mais elle existait déjà dans différentes cultures, sous la forme d’un sphinx par exemple. Pour les Vénitiens, ce félin ailé était une icône. On le retrouve aussi chez les Viennois, sans oublier les Grecs…
Ton chat s’est promené à travers le globe. Une anecdote qui t’a marqué ?
Chaque fois où j’ai frôlé la mort ! Souvent, on se rappelle des situations fortes. Il y a des fois où j’ai failli tomber et mourir. Comme en face de la cathédrale d’Orléans ou sur les toits de Paris.
Il y a aussi cette fois où j’ai été arrêté à Tokyo. J’ai passé un moment interminable dans un petit commissariat. Je ne comprenais rien de ce qui se passait, je n’avais rien fait de mal et je risquais vingt-quatre jours de prison.
Un autre jour, je suis parti faire du land art pour réaliser un chat de 100 mètres sur 100 dans un champ. Je me suis retrouvé tout seul à tracer les contours de mon chat avec les chaussures remplies de boue. Je me suis senti totalement perdu et je me suis dit : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? » (rires).
D’ailleurs, dans le passé, tu as eu de nombreux démêlés avec la justice. En septembre 2017, 3 mois de prison ferme ont été requis contre toi. Quelles sont les suites de cette affaire ?
C’est arrangé en fait. Et puis après je m’y remets ! Il semblerait que les couloirs gris et sales du métro aient besoin de couleurs (rires) ! Peut-être que ça ne sera pas du Mr. Chat, mais je vais aider des amis à peindre ou les encourager, ou s’il faut payer une petite amende, les dédouaner de ça.
En 2004, tu as fait l’objet d’un documentaire, Chats Perchés, réalisé par Chris Marker. Que retiens-tu de cette aventure ?
Ça a été un moment révélateur. Je peignais depuis longtemps et je voulais aller à Paris pour devenir plus professionnel, passer d’un niveau régional à un niveau national.
J’ai fait le boulot, j’ai peint. Chris Marker a remarqué mon travail et a décidé d’en faire un film, avant que le street-art émerge. Chats Perchés a été réalisé bien avant le film sur Bansky (ndlr : Faites le mur !) qui a été le plus gros succès commercial sur le thème du street-art. Est-ce que Bansky, en faisant son film, a pensé à Chats Perchés ? Je me pose la question…
Revenons à ton actualité… Quels sont tes projets ?
Continuer de développer mon atelier d’artistes ici-même aux Puces de Saint-Ouen pour y créer une véritable plateforme et recevoir du public. Fin 2018 ou début 2019, je vais collaborer à nouveau avec la Galerie Brugier-Rigail, dans le cadre d’une exposition importante. C’est cette même galerie qui permet mon développement à l’international. Je vais aussi exposer à Séoul, Shanghai et je serai en Suisse au POPA (Musée d’art moderne de Porrentruy, ndlr). Passer des galeries aux grands musées d’art moderne comme Pompidou, ce serait ça la priorité pour nous autres street-artistes…
C’est la difficulté maintenant, on le voit avec Bansky. Le street-art reste un peu à la marge, même au Centre Pompidou, qui a été créé pour mettre en avant l’art contemporain. JR a été reçu, mais au sous-sol, dans les cultures émergentes, alternatives… Il y en a forcément un qui va rentrer dans la culture établie au bout d’un moment. J’y participerai, j’aiderai à ça, j’ai déjà des chats tout autour de Pompidou (rires) !